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justes et plus humaines en matière pénale. Ce grand homme avait distingué avec soin les pouvoirs publics, et séparé avec précision celui de faire les lois de celui de rendre les jugemens. S’élevant contre l’aveuglement de l’ancienne procédure et l’excès des châtimens, il avait préparé le règne de la justice indépendante et des peines modérées, et il avait fondé une école de réformateurs en législation. À cette école avaient appartenu Beccaria, Filangieri, Servan et Jeremy Bentham, qui, étendant les idées de Montesquieu ou les dépassant, avaient, à divers degrés, servi la même cause : Beccaria, par la générosité de ses sentimens, qui le portèrent jusqu’à refuser à la société le droit de mort sur ses membres et à proclamer l’inviolabilité de la vie humaine ; Filangieri, par la force de ses pensées ; Servan, par l’autorité de son expérience ; Bentham, par la savante rigueur de ses analyses. À cette école avaient également appartenu les souverains qui, dans le xviiie siècle, avaient commencé les réformes pénales, et les auteurs de nos codes qui les avaient poussées plus loin en introduisant le jury dans la loi, la publicité et la défense devant les tribunaux, la gradation dans les peines, et la suppression de toutes les douleurs inutiles dans les supplices.

En même temps que s’accomplissait cette révolution dans les théories et dans la pratique de la justice criminelle, il s’en était préparé une autre, destinée à lui servir de complément. Des hommes d’un esprit élevé et d’une ame miséricordieuse avaient été touchés du misérable état de dégradation dans lequel tombait le criminel après avoir été condamné. Ils avaient conçu la généreuse pensée d’y remédier en réformant l’état des prisons. Le vicomte de Vilain XIV dans les Pays-Bas, le vertueux Howard en Angleterre, et les quakers en Pensylvanie, s’étaient dévoués à cette pieuse mission. Les condamnés, classés selon leur âge et selon leurs crimes, avaient été soumis à la discipline du silence et du travail, et quelquefois de l’isolement. On avait commencé à faire de la prison un lieu de pénitence et d’éducation, où se trouvaient placés, à côté de la crainte du châtiment, jusque-là seul but de la loi, le repentir de la faute, et le moyen de ne plus y retomber. Cette belle idée, après bien du temps et beaucoup d’essais, était devenue elle-même un vaste système sous le nom de réforme pénitentiaire. Elle tendait à faire traiter les crimes comme des infirmités, et les coupables comme des malades dont on pouvait dompter la fougue dans la solitude, s’ils avaient été entraînés au mal par la violence des passions ; corriger les habitudes vicieuses à l’aide du travail, s’ils y étaient arrivés par l’oisiveté ; éclairer l’esprit