Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/468

Cette page a été validée par deux contributeurs.
464
REVUE DES DEUX MONDES.

entourés. Un nouveau champ d’observations s’ouvrit tout-à-coup devant nous.

Parmi nos compagnons de voyage se trouvait M. le docteur Bodichon qui avait eu la bonne idée d’emporter sa trousse et quelques médicamens. Quand sa qualité de thebib (médecin) fut connue dans le camp, la besogne ne lui manqua pas. Les Arabes étaient tous fort avides de venir nous regarder de près, et, lorsqu’il leur arrivait de stationner trop long-temps et en trop grand nombre près de notre tente, les chiaouches ou huissiers de l’émir venaient les disperser à grands coups de bâton ; ils furent donc enchantés d’avoir un prétexte de rester auprès de nous sans craindre la bastonnade. Il arriva alors que tout le camp se trouva malade : le plus grand nombre se plaignaient de maux de dents. Le docteur ne savait plus auquel entendre ; nous lui proposâmes un moyen de se délivrer des importuns, moyen qui consistait à mettre en évidence ceux de ses instrumens qui étaient les plus formidables par leur forme et leur grandeur, et de faire mine de s’en servir quand il se présenterait un de ces faux malades. Le procédé réussit à merveille : chaque fois qu’il s’agissait de commencer l’opération, le patient se trouvait toujours subitement guéri et ne tardait pas à disparaître.

Le fameux Sidi-Sâdi, descendant du marabout dont on voit encore le tombeau à Bab-el-Oued à côté de celui de Sidi-Abd-el-Rahhman, fut aussi un des cliens du docteur. On lui pansa une plaie assez légère qu’il avait à la jambe, plaie qui n’était entretenue que par le défaut de propreté. Sidi-Sâdi nous parla beaucoup des propositions ridicules qu’il a faites jadis au gouvernement français auquel il demandait la Casbah d’Alger avec le droit d’y arborer le drapeau rouge, s’engageant, à cette condition, de faire régner la paix parmi les Arabes.

En somme, la plupart des malades sérieux qui se sont présentés au docteur, avaient des affections cutanées, et quelques-uns des inflammations d’entrailles causées par la mauvaise qualité des alimens, l’armée ne se nourrissant depuis long-temps que de bourhoul ou blé concassé bouilli.

Le 2 janvier 1838, l’émir leva le camp de Nougha ; mais, au lieu d’aller camper à l’endroit nommé El-Bouira, près du fort de Hamza, il nous mena à l’autre extrémité de la plaine. Pendant que lui-même allait visiter ce dernier point, il nous envoya des cavaliers pour nous faire rester au bord de l’Oued-el-Ak’hal, en attendant, disait-il, que les tentes fussent dressées.

Le départ de Nougha nous avait intéressés, parce que nous nous