Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/460

Cette page a été validée par deux contributeurs.
456
REVUE DES DEUX MONDES.

du beylick ; celles qui sont aux gens des tribus que l’émir ramasse sur sa route, se transportent par les soins de leurs propriétaires.

Il résulte de ce qui précède que le bagage est considérable dans l’armée d’Abd-el-Kader, ce qui n’entrave cependant pas la marche, les moyens de transport étant de nature à n’être arrêtés par aucune difficulté de terrain.

Les munitions de guerre et de bouche, les bêtes de somme, se placent au centre du camp, assez près de la tente de l’émir. La cavalerie est disposée autour de ce noyau, et l’infanterie entoure celle-ci ; l’artillerie est aux quatre extrémités. Telle est la disposition générale, sauf quelques exceptions inévitables dans une multitude d’hommes que l’on astreint difficilement à un ordre parfait.

Il nous parut que l’armée de l’émir se composait de 5,000 hommes. On nous avait parlé d’un autre camp (commandé par Miloud-Ben-Arache) placé auprès de celui-ci et beaucoup plus considérable, disait-on ; mais nous avons de fortes raisons de penser que c’était un mensonge imaginé pour nous donner une idée exagérée des forces dont Abd-el-Kader dispose.

Les 5,000 hommes dont on vient de parler peuvent se classer ainsi ; armée régulière, 1,800 hommes d’infanterie soldée, lesquels ont une sorte d’uniforme qui se compose d’une culotte bleu-clair et d’une veste brune à capuchon ; ils sont armés de fusils français, dont un grand nombre ont des baïonnettes ; près de 600 fantassins, ramassés en route, qui n’ont ni solde, ni rations, et vivent sur le pays ; à peu près 600 cavaliers réguliers ; environ 2,000 irréguliers, rassemblés de la même manière que l’infanterie irrégulière, et dans la même position qu’elle pour les vivres et la solde. Si l’on ajoute à cela une trentaine de nègres, qui forment la garde de l’émir, et à peu près autant d’artilleurs, on aura une idée de la composition de cette armée.

L’artillerie d’Abd-el-Kader consiste en quatre pièces. Trois d’entre elles sont établies sur de mauvais affûts à roues pleines ; l’autre est montée à l’européenne. Sur l’une on lit : « Dupont, commissaire des fontes royales, à Rochefort. » Celle-ci est ornée de tambours, de turbans et de croissans. Sur une deuxième est écrit : « Willem Hegewaert me fecit, Hague, 1620. » Toutes ces pièces sont transportées à dos de mulet, quoique en longueur et en pesanteur elles surpassent nos pièces de montagne. Au lieu d’être placées en long sur le mulet, elles sont mises en travers : deux hommes les soutiennent de chaque côté pendant les marches.

Le personnel de cette artillerie renferme plusieurs Français. Celui