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régir lui-même, en observant les lois et en acquittant les charges fédérales. Pendant la durée du premier, il était, en quelque sorte, placé sous la tutelle du pouvoir général, qui lui envoyait un gouverneur pour l’administrer, un conseil législatif pour l’organiser, et une cour suprême pour le juger. À l’avénement du second, il avait sa chambre des représentans, son sénat et sa constitution indépendante. La Louisiane fut soumise à cette tutelle préalable avant de parvenir à son entière émancipation. Avec le gouvernement territorial elle reçut l’habeas corpus et le jury, qui pénètrent, avec l’Américain, dans toute contrée où il s’établit, pour lui assurer la liberté et la justice. Mais ce droit préliminaire, qui soumettait au jury tous les faits civils et criminels intéressant sa propriété comme sa personne, ne suffisait pas. Il fallait déterminer la législation qu’on appliquerait à ces faits et régler la procédure qu’on suivrait dans leur jugement. Conserverait-on la législation de la Louisiane, mélange confus de dispositions romaines, de coutumes françaises, de textes espagnols ? ou bien introduirait-on la législation anglaise, avec l’incertitude de ses précédens, la subtilité de ses fictions, et la prolixité de ses formules ? C’est ce qui fut discuté devant la cour suprême. Les jurisconsultes américains réclamaient l’adoption exclusive de la loi anglaise en matière civile comme en matière pénale. Mais, sur les représentations de M. Livingston, qui rappela aux nouveaux possesseurs du pays les clauses du traité en vertu duquel la Louisiane devait participer à tous les avantages de l’Union américaine sans perdre ses propres priviléges, il fut décidé qu’elle garderait ses lois civiles, mais qu’elle jouirait des lois pénales de l’Angleterre, fort supérieures à celles qui la régissaient sous la domination espagnole. Ainsi, grâce à M. Livingston, elle conserva ses usages et elle étendit ses droits, les deux choses auxquelles un peuple tient le plus et se prête le mieux. Elle se souvint toujours de ce bienfait.

Comme sous la législation de la Louisiane les procès civils n’étaient point soumis au jury, ce qui était exigé par le droit américain, il devint nécessaire de lui adapter une nouvelle procédure. M. Livingston fut chargé de ce travail, auquel le rendaient également propre son habileté et son expérience. Il fit une loi de procédure qui fut un modèle de simplicité et de bon sens. L’introduction, la poursuite, le jugement des affaires civiles furent habilement réglés. M. Livingston s’attacha à la substance des actes et rejeta la complication des formes. Les formes sont le premier degré de la justice, leur lenteur protége dans les époques d’arbitraire et de violence ; mais, lorsque