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ESPRIT DE LA SESSION.

tériel et dans l’arène parlementaire ; nous serons même très sobres aujourd’hui de conseils au ministère, parce que nous n’ignorons pas qu’entre une situation épuisée et une autre qui va commencer, il faut quelque répit pour reprendre haleine, pour se reconnaître, pour assurer et éclaircir de plus en plus son regard sur les choses et sur les hommes. Nous désirons seulement définir et marquer le point d’où doivent partir aujourd’hui tous les acteurs du monde politique.

La France est sérieusement constitutionnelle : elle veut sans réserve toutes les conditions du gouvernement stipulé par la charte de 1830. Elle entend que les formes de la monarchie représentative, où elle trouve à la fois organisation et liberté, soient l’instrument de ses destinées. Mais il est dans son génie de s’attacher surtout au fond des choses, d’être plus avide du but et de la réalité, que difficultueuse sur les moyens d’y parvenir. La France n’est pas formaliste, comme l’Angleterre ; elle ne se complaît pas, comme sa voisine et son alliée, dans les raffinemens de la procédure constitutionnelle ; elle se sert des rouages de la constitution, mais sans fanatisme pour la lettre, sans dilettantisme pour les précédens ; enfin, elle est à la fois plus démocratique et monarchique que parlementaire. Ce n’est pas à dire qu’il ne faille travailler à fortifier chez elle les saines habitudes constitutionnelles ; mais, pour assurer même le succès de ces efforts, on ne doit pas perdre de vue l’esprit du pays. Si l’on tentait de le passionner pour des subtilités ou des chicanes, on risquerait de le rebuter ; des tracasseries qu’il estimerait inutiles et misérables pourraient le précipiter dans une indifférence qui aurait elle-même ses dangers.

Ce serait un mauvais calcul pour les opinions opposantes, dans la décomposition qui les travaille, de substituer à des passions mortes des griefs factices. L’exagération ne se pardonne qu’à la force. Or, la session dernière a été pour les diverses oppositions comme une dissolution nouvelle. Tout le monde en tombe d’accord. Nous avons sous les yeux une brochure écrite par un député[1], où, répondant aux assertions de M. Guizot, qui énumère trois ministères possibles avec la chambre actuelle, un cabinet centre gauche, avoué par la gauche, un cabinet centre droit, un cabinet centre gauche et centre droit réunis ; l’auteur s’exprime ainsi : « quelle induction pouvons-nous tirer des possibilités dont il s’agit, si ce n’est celle-ci, qu’en principe et en bonne logique, il n’y a plus d’opposition dans la véritable acception du mot, plus de partis politiques en dehors des partis

  1. De la situation parlementaire actuelle, par Renard Athanase, député de la Haute Marne.