Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/416

Cette page a été validée par deux contributeurs.
412
REVUE DES DEUX MONDES.

de la chambre, à chaque occasion qu’elles estimeraient favorable, il prit le parti de leur offrir lui-même un nouveau combat sur la question des fonds secrets ; il annonça qu’il n’accepterait aucune réduction du chiffre qu’il avait présenté, et il sortit vainqueur d’une lutte où il eut à répondre tour à tour à M. Jaubert, à M. Guizot, à M. Barrot. Cette fois les intentions politiques de la chambre ne pouvaient plus être mises en doute ; évidemment elle avait voulu le maintien du ministère du 15 avril, puisque par l’adoption de l’amendement Boudet, qui demandait une réduction de 300,000 francs, elle pouvait le renverser. Donc, en repoussant l’amendement à une grande majorité, elle déclarait adopter le cabinet qui recevait de la manière la plus éclatante le baptême parlementaire.

Comme le vote de l’adresse avait amené, pour le ministère restant au pouvoir, une situation nouvelle, de même le vote des fonds secrets ouvrit une nouvelle série d’évolutions, de menées et d’intrigues. Les questions politiques furent désertées ; on se jeta sur les affaires. Depuis le 15 mars, jour où la majorité accorda au cabinet le chiffre demandé, jusqu’au 11 mai qui vit le rejet du projet sur les chemins de fer, les fractions opposantes se mirent à faire au ministère une guerre de détails, une guerre de buissons. L’examen des questions les plus inoffensives, des intérêts les plus positifs, devint un autre champ de bataille ; et sous prétexte d’améliorer les projets, on envahit l’ordre administratif, au risque de le désorganiser. Dans les premiers instans de cette phase nouvelle, la chambre se laissa surprendre et presque entraîner. Mais quand elle s’aperçut que cette sollicitude si vive pour les affaires était encore un déguisement des passions politiques, elle s’arrêta. Ainsi, dans la loi des armes spéciales, on vit la majorité renoncer à des amendemens auxquels elle eût pu donner son adhésion dans d’autres circonstances, quand elle eut reconnu que ces amendemens étaient eux-mêmes des armes entre les mains de la coalition. Dès le 11 avril, jour où fut adopté le projet du ministre de la guerre, la majorité reprit peu à peu possession d’elle-même et se tint en garde contre les surprises.

L’adoption de la proposition de M. Gouin, sur la conversion du cinq, n’était pas un acte d’hostilité contre le cabinet, mais le résultat des vœux émis sur ce point par les départemens. Devant un autre ministère les députés eussent témoigné les mêmes désirs. Si cette question est aussi chère au pays que quelques-uns le prétendent, elle saura bien assurer son triomphe en acceptant toutes les conditions constitutionnelles.