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l’idiome des troubadours. Parmi l’innombrable quantité des poètes latins de ce temps, la plupart firent des églogues dans lesquelles ils prétendaient continuer Virgile et Calpurnius. Les titres de plusieurs vieux recueils témoignent de cette filiation ; un d’eux ne compte pas moins de trente-huit poètes bucoliques. On peut affirmer a priori, car le loisir manque pour une telle étude, que l’églogue resta chez eux ce que l’avaient faite leurs modèles, ou plutôt qu’elle devint, plus encore qu’elle ne l’avait été, une forme littéraire propre à exprimer des idées de toute sorte, galantes et satiriques, politiques et religieuses.

Politien ne fit pas d’églogues, mais dans ces cours, si bien peints par M. Villemain, où il expliquait en orateur et en poète l’antiquité grecque et latine, il célébra Virgile, avant de commenter ses églogues, par une pièce intitulée Manto, brillant discours d’ouverture, et tout ensemble imitation libre et ingénieuse du Pollion. Le poète professeur amène au berceau de Virgile, comblé des dons de tous les dieux, la nymphe fatidique Manto, mère du fondateur de Mantoue ; il lui fait prédire la gloire de Virgile et analyser prophétiquement ses chefs-d’œuvre et d’abord ses Bucoliques :

Atque hæc prima novi fuerant elementa poetæ, etc.


Puis viennent les vives apostrophes du maître à la jeunesse qui l’écoute, et ses éloges passionnés de Virgile et de ces études, dont il parle comme de secrets mystères interdits aux profanes.

Le Mantouan fut loin de conserver aussi purement que Politien les traditions de Virgile. Batista Spagnuolli, connu sous le nom de Mantouan, naquit à Mantoue en 1448. Il y prit de bonne heure l’habit religieux dans l’ordre des carmes, et sa vie, prolongée jusqu’en 1516, se partagea entre les devoirs de son état et la culture des lettres latines. Ses compatriotes le mirent à côté de Virgile, né comme lui à Mantoue, et Frédéric de Gonzague lui fit élever une statue de marbre couronnée de lauriers, tout auprès de celle de l’auteur de l’Énéide. Le savant Érasme lui-même, juge d’ailleurs si rigoureux, ne craignit pas de dire qu’il viendrait un temps où le Mantouan ne serait pas mis beaucoup au-dessous de son glorieux compatriote. Ce n’était toutefois qu’un versificateur d’une facilité lâche, diffuse, incorrecte ; défauts déjà très sensibles dans ses premiers écrits et qui ne firent qu’augmenter avec l’âge.

Parmi ses nombreuses productions se trouvent dix églogues écrites dans sa jeunesse, mais retouchées plus tard. Elles rebutent par leur