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vers cet avenir inconnu. Les meilleurs esprits et les plus grands citoyens s’étaient partagés. Washington soutenait avec modération le parti fédéraliste, que John Adams excitait par son ardeur ; Francklin s’était déclaré, pendant qu’il vivait, pour le parti démocratique, à la tête duquel se trouvait alors Thomas Jefferson.

Edw. Livingston embrassa le dernier parti dans le congrès de 1794. Quoique son âge ne lui permît pas de figurer au premier rang qu’occupaient les fondateurs, encore presque tous vivans, de la liberté américaine, il s’y fit beaucoup remarquer par son ardeur et par son talent. Il combattit le traité de 1794 conclu avec l’Angleterre, traité qui dégageait la frontière septentrionale des États-Unis, sur laquelle s’étaient maintenues jusqu’à cette époque les troupes britanniques, mais qui affaiblissait ce mérite aux yeux du parti français par une prédilection trop marquée pour l’ancienne métropole, et par une soumission trop humble à son despotisme maritime et à ses exigences commerciales. Il s’opposa également à l’importation de l’alien-bill, qui aurait permis au président d’éloigner, dans certaines circonstances, les étrangers du territoire des États-Unis. Cette mesure était contraire à la destination d’une république qui devait rester ouverte aux émigrans, pour recevoir et verser dans ses vastes possessions occidentales, encore inhabitées, la population surabondante de l’Europe. Le discours prononcé à cette occasion par Edw. Livingston se répandit dans les contrées de l’ouest, vers lesquelles se dirigeait, par une marche incessante et irrésistible, la colonisation américaine, et on le lisait long-temps après dans les fermes qui étaient les avant-postes de la république, et formaient les élémens de futurs et puissans états. Le Kentucky, qui se couvrait alors d’établissemens, donna, par reconnaissance, le nom de Livingston à l’un de ses comtés. D’étroites liaisons politiques s’établirent dans le congrès entre Edward Livingston et les chefs du parti démocratique. Ce fut alors aussi qu’il connut le député encor obscur de l’état naissant de Tennessee, André Jackson, qui devait être si célèbre plus tard, et auquel l’unirent d’une longue amitié la conformité des opinions et le contraste des caractères.

Edw. Livingston demeura dans le congrès et y fit partie de l’opposition jusqu’à la fin de la présidence de John Adams, avec laquelle expira la puissance du parti fédéraliste. Le parti démocratique triompha, en 1801, par l’élévation de Thomas Jefferson à la présidence des États-Unis. Ses amis passèrent, par le jeu naturel de cette forme de gouvernement, de l’opposition au pouvoir, et quittèrent les as-