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DE L’ÉGLOGUE LATINE.

libée semble revêtu de hautes dignités qui n’ont pas appartenu à Nemesianus, car Vopiscus n’eût pas manqué de nous le dire. Par d’ingénieuses et subtiles conjectures, Wernsdorf est amené à proposer, avec quelque vraisemblance, Junius Tuberianus, qui fut pendant trente années dans les hautes charges de l’état. Le poète Calpurnius, pour lui, est le même personnage que Junius Calpurnius, que l’histoire nous donne comme l’un des secrétaires de la maison impériale, dictator memoriæ. Appuyé par Tiberianus, et, à ce qu’il semble d’après certains passages des églogues, élevé par son crédit à cet emploi de secrétaire qui allait assez bien à un homme de lettres, notre auteur se sera sans doute donné le prénom de Junius par reconnaissance pour son patron, comme faisaient d’ordinaire les cliens. Voici donc, selon Wernsdorf, l’histoire de Calpurnius :

La première et la quatrième de ses églogues où il célèbre l’empereur et les Césars ses fils le firent connaître et protéger de Junius Tiberianus. Placé par ce haut dignitaire et vivant à Rome, il composa sous Carus d’autres pastorales. Plus tard il suivit Carus, comme secrétaire, dans son expédition de Perse, et ce fut lui qui manda sa mort au préfet de la ville. Enfin il a composé ses dernières pièces (viii-xi) à Rome, à son retour, après la mort de son patron, dont il fait comme l’oraison funèbre. Mais ces quatre églogues sont-elles de lui ou de Nemesianus ? Cette distinction, établie fort à la légère, au commencement du XVIe siècle, par un éditeur de Parme, a trompé beaucoup de savans depuis Vossius et Scaliger jusqu’à Rapin. Mais le témoignage unanime des manuscrits et des plus anciennes éditions, l’identité du style, des vers semblables qu’un auteur a pu répéter et qu’un contemporain n’eût pas copiés, vingt autres preuves encore, fournissent à Wernsdorf l’occasion d’une dissertation savante où il restitue à Calpurnius les pièces qu’une critique subtile a pu seule lui contester.

Revenons au recueil même de Calpurnius. Il a, comme Virgile, par l’allusion et l’allégorie, tourné l’églogue à l’expression de ce qui lui est personnel, des choses de sa propre vie et de l’histoire de son temps. Il l’a fait ingénieusement en renouvelant par certaines inventions les vieux cadres qu’il dérobait à Virgile, et toutefois il l’a fait avec les images, les mouvemens, les tours, le style de Virgile, dans des pastiches qui sont comme un écho affaibli, mais agréable et spirituel (ce qui n’est guère le mérite des échos), de l’églogue virgilienne. Il y a donc deux choses surtout à considérer chez Calpurnius : d’abord