Nous avons déjà dit quelque chose de la quatrième églogue, intitulée César. Deux bergers, Corydon et Amyntas, y célèbrent, en couplets amébéens, Carin et Numérien, et même Carus leur père, alors absent. Le poète n’a pas la discrétion, la précision d’Horace et de Virgile ; son panégyrique est un centon diffus, déclamatoire, bien étranger surtout à la pastorale, malgré les efforts du poète pour y introduire force détails champêtres. Lui-même le sait et le dit, ce qui ne suffit point pour l’excuser. Il nous montre, au début, Corydon en posture de poète qui travaille ; ce berger veut faire quelque chose qui ne soit pas trop pastoral, et Mélibée, à qui il s’adresse, l’y encourage et trouve à la fin qu’il y a assez bien réussi. Cet éloge pourrait passer pour une critique, si Corydon, ce n’était encore Calpurnius. Mélibée, ailleurs, s’étonne que Corydon permette à son jeune frère Amyntas de faire des vers ; c’est un si mauvais métier ! — Pas si mauvais, répond l’autre, quand on est protégé par Mélibée. Voilà Mélibée devenu, pour le faux Corydon, un de ces protecteurs qui n’appartiennent guère au village, le Mécène d’un autre Virgile, comme le fait entendre le poète par de fort jolis vers.
Dans la huitième églogue, le protecteur de Calpurnius est bien âgé ; lui-même est arrivé à la vieillesse, car c’est bien lui qu’il y représente sous le personnage de Tityre. Mais pourquoi a-t-il changé de nom, et ne s’appelle-t-il plus Corydon ? C’est, dit spirituellement Wernsdorf, pour faire comprendre que, par la protection du patron, il est arrivé au sort de Tityre, qu’il lui demandait. Wernsdorf estime que cette pièce, que, pour de fort bonnes raisons, il retire, comme les trois suivantes, à Nemesianus, a été composée sous Dioclétien. Il y trouve une élégance plus châtiée, et qui lui atteste la maturité du talent de l’auteur.
Quel était ce patron, dont nous retrouvons, dans les églogues de Calpurnius, l’histoire mêlée à celle de son client ? Était-ce, comme beaucoup l’ont cru, ce même poète auquel on a long-temps attribué les quatre dernières pièces du recueil, l’auteur, alors fameux, d’un poème sur la chasse que nous avons encore, Nemesianus ? Un passage curieux de Vopiscus nous fait connaître qu’au temps de Numérien, la poésie était encouragée fréquemment par ces concours publics établis sous Auguste et sous Domitien, et auxquels le prince lui-même prenait part avec Nemesianus, Aurelius Apollinaris, et sans doute Calpurnius, qui, dans ses combats bucoliques, semble faire allusion à ces luttes littéraires. Le Mélibée qui les juge, est-ce Nemesianus, auquel un ancien manuscrit dédie les églogues ? Mais ce Mé-