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DES ÉTUDES HISTORIQUES DANS LE NORD.

dies, mais qui, heureusement pour l’art et pour l’histoire, n’alla pas au-delà de sa cinquième pièce. Jean Messenius était un homme doué d’un grand amour pour le travail et d’une vaste érudition. Il eut une vie étrange et orageuse. Enlevé dans son enfance par les jésuites, conduit en Pologne, il ne revint dans son pays que seize ans après l’avoir quitté. Il était alors distingué déjà par ses connaissances ; il avait reçu solennellement le diplôme de docteur à l’université d’Ingolstadt. Charles IX le nomma professeur de jurisprudence à Upsal ; mais une querelle qu’il engagea avec quelques-uns de ses collègues le força d’abandonner sa place. Il revint à Stockholm, fut compromis dans une conspiration, et condamné avec sa femme et ses enfans à une prison perpétuelle. Il mourut dans la forteresse d’Ulaoborg, en 1687. À travers ses voyages, ses querelles et ses procès politiques, il trouva le temps de composer des drames, d’amasser des documens historiques et d’écrire. Il publia deux chroniques composées avant lui, et rédigea une histoire générale de la Scandinavie[1]. Les huit premières parties de cet ouvrage renferment l’histoire de la Suède, depuis le déluge jusqu’à l’année 1612 ; la neuvième, l’histoire des saints et des apôtres du christianisme dans le nord ; la dixième, la chronologie des principaux évènemens arrivés chez les Finnois, les Livoniens, les Courlandais, chronologie qui remonte aussi jusqu’au déluge. La quatorzième partie, qui devait renfermer l’histoire des Ostrogoths en Scandinavie et en Espagne, n’a pas été trouvée. La quinzième est un abrégé de la chronologie de Suède, de Danemark et de Norwége, qui se termine à l’année 1616.

À la même époque, Jean Loccenius publiait son histoire des rois de Suède, depuis Beron III jusqu’à Éric XIV. Les œuvres de Messenius et de Loccenius ont été pendant long-temps les seules sources auxquelles les étrangers avaient recours pour étudier l’histoire de Suède.

Le règne de Gustave-Adolphe, celui de Christine et celui de Charles X, furent un temps de gloire, de prospérité et de développement intellectuel. Les Suédois étaient sortis de leur pays. Ils étaient entrés en contact avec les populations de l’Allemagne, et ils rapportaient de leur croisade religieuse des idées toutes nouvelles et de nouvelles sources d’instruction. Christine avait fait de sa cour une sorte d’académie où elle appelait les savans étrangers. Elle allait souvent à Upsal assister aux cours des professeurs ; elle encourageait à la fois l’art et la science, la poésie et l’érudition. Ces témoignages de faveur qu’elle accordait aux hommes de mérite, ne pouvaient manquer d’exciter autour d’elle une grande émulation. C’est le temps où les Suédois commencent à étudier les noms historiques de l’Islande, et cette étude fut poursuivie avec ardeur pendant plus d’un demi-siècle. Dès la première publication d’un de ces anciens documens, il y eut parmi les savans une sorte de commotion électrique qui les réveilla de leur indifférence, et leur fit com-

  1. Scandia illustrata seu chronologia de rebus Scandiæ, hoc est Sueciæ, Daniæ, Norvegiæ atque Islandiæ, Gronlandiæque, tam ecclesiasticis quam politicis a mundi cataclysmo. Primum edita et observationibus aucta a Joh. Peringskield, in-fo, Stockholm, 1700.