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Après avoir reçu cette promesse, Gefion s’en va dans la contrée des géans, enfante quatre fils, les transforme en bœufs, puis les attèle à la charrue. Le soc de fer poussé par la fille des dieux, traîné par le magique attelage, pénètre dans les entrailles du sol, enlève une partie de la Suède qui tombe dans la mer, flotte sur les eaux, et va former, au milieu du Sund, l’île de Seelande. À la place occupée par cette vaste étendue de terre, on vit apparaître le lac Mœlar. Les géographes anciens disent que toutes les baies de ce lac correspondent aux promontoires de la Seelande.

Odin avait plusieurs fils. L’un d’eux, Vegdey, devint roi de Saxe ; un autre, Balder, roi de Westphalie ; un troisième, Sigge, roi des Sicambres (Sighœmper, guerriers victorieux). Il donna la Seelande à son quatrième fils Skiœld, qui épousa Gefion. De ce mariage provint la race des Skiœldunger, la première race des rois de Danemark. Quand il eut fait ainsi le partage de ses conquêtes, il vint en Suède, et fut accueilli avec un pieux respect par Gylfe qui lui donna une partie de son royaume. Odin fixa sa demeure dans la province de l’Upplande. Près de l’endroit où s’élève aujourd’hui la cathédrale d’Upsal, il bâtit Sigtune (Seger-Tun, anglais Torn, ville de victoire), érigea un temple, offrit des sacrifices et fit aimer sa religion au peuple. Il était, disent les sagas, remarquable par sa mâle beauté, imposant par son éloquence et renommé au loin pour sa sagesse. Il mourut en appelant au Valhalla tous les guerriers qui avaient vaillamment combattu, et devint le dieu des contrées dont il avait été le conquérant, le prêtre et le législateur.

Son fils Niord lui succéda. Il eut un règne heureux et paisible, un règne pareil à celui du sage Numa, après l’héroïque Romulus. Puis, après lui, Yngue, qui a donné son nom à la race des Ynglingues, monta sur le trône des Ases.

Les sagas qui racontent cette fondation de la monarchie suédoise, ne présentent ni date, ni notice chronologique. Mais on sait que Ingald Illroda vivait au VIe siècle. Il y a vingt-trois rois depuis Odin jusqu’à lui. Or, en comptant, d’après la méthode de Newton, trois règnes par siècle, on peut fixer l’arrivée d’Odin en Suède vers l’année 160 avant J.-C. C’est un point sur lequel tous les historiens sont à peu près d’accord.

Tout le règne des Ynglingues est beaucoup plus connu que les règnes suivans. Ces princes descendaient des dieux de la Suède. Il y avait pour le peuple une sorte de culte religieux à les nommer dans ses chants, à les illustrer dans ses traditions. Plus tard, le peuple se tait et l’historien n’apparaît pas encore. En quittant l’œuvre de Snorre Sturleson, il faut avoir recours à celle des écrivains danois. Par les expéditions maritimes, par les luttes d’ambition nationale, par les rivalités de souverains, l’histoire de Danemark fut souvent mêlée à celle de Suède. Plusieurs rois furent en même temps maîtres des deux pays. Iwan Widfame, Sigurd Ring, Ragnar Lodbrok, régnaient sur les deux rives du Sund et sur une partie de l’Allemagne. Les écrivains danois ont raconté, dès le moyen-âge, tous ces faits. Les écrivains suédois ne sont venus