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DE L’UNITÉ
DES
LITTÉRATURES MODERNES.[1]

L’histoire littéraire n’a été long-temps, en France, que le tableau des époques de Périclès, d’Auguste, de Léon X, de Louis XIV : tout ce qui entrait dans cette division était l’objet naturel et ordinaire de la critique ; au contraire, ce que cette classification n’embrassait pas était négligé ou plutôt retranché de la tradition, et passait pour faux ou inutile. Sur ce principe, la poésie orientale, l’espagnole, l’anglaise, l’allemande, et même, jusqu’à un certain point, l’italienne avant Pétrarque, la française avant Malherbe, furent considérées comme de bizarres exceptions, qui, ne pouvant trouver de place dans la nomenclature accoutumée, étaient dans l’art ce que les monstres sont dans la nature. D’ailleurs, ce petit nombre d’époques choisies, et que l’on appelait justement les grands siècles, étaient presque toujours envisagées indépendamment l’une de l’autre. Ni liens, ni traditions, ne les unissaient dans l’esprit des commentateurs ; l’une après l’autre, chacune d’elles apparaissait comme une

  1. Cet article doit servir d’introduction à un nouvel ouvrage que M. E. Quinet va publier sous le titre de Philosophie et Poésie. Nos lecteurs n’ont pas oublié les divers travaux philosophiques et littéraires que l’auteur a publiés dans la Revue depuis 1831 ; le morceau sur l’Unité des littératures modernes complétera pour eux l’ensemble de ces remarquables études, que le public ne peut manquer d’accueillir avec faveur. (N. d. D.)