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ment d’imprévoyance, pour représenter le système de la paix comme à la veille de sa chute, et toutes les hostilités dont on avait conjuré l’explosion comme prêtes à éclater contre la France. Nous essaierons, pour notre compte, de garder l’équilibre entre des craintes prématurées et une confiance imprudente que l’état des affaires ne justifie pas suffisamment, envisageant la situation avec calme et donnant beaucoup aux puissans motifs qui, à travers tant de complications, ont maintenu la paix générale jusqu’à ce jour, sans méconnaître les dangers que pourraient lui faire courir des intérêts rivaux et des passions vainement contenues pendant quelques années, si l’on ne parvenait à concilier les uns et à réfréner les autres.

La conférence de Londres est sur le point de reprendre sa difficile et pénible tâche pour l’arrangement de la question hollando-belge. Voyons d’abord au juste dans quel état elle doit la retrouver après une aussi longue interruption de ses travaux. Les relations actuelles de la Belgique et de la Hollande reposent sur une convention, celle du 21 mai 1833, qui n’est à vrai dire qu’un armistice d’une durée indéfinie, qui n’a point reconnu de droits, qui n’a constaté qu’un fait, et par laquelle la Hollande s’est engagée à respecter ce fait, comme la Belgique à ne point en dépasser les limites. Sous le rapport du droit, il n’y a donc pas autre chose entre la Belgique et la Hollande ; il n’y a donc pas d’autres engagemens qui soient communs aux deux états. La Belgique, il est vrai, a signé un traité, mais seulement avec les puissances qui se sont portées arbitres du différend ; la Hollande, au contraire, n’a contracté d’engagement ni avec l’Europe, ni avec la Belgique ; la Belgique et l’Europe ne connaissent d’elle que des protestations multipliées contre l’ensemble du traité des 24 articles. Voilà pour les relations des deux parties principales, et nous allons tout à l’heure déduire les conséquences de cet état de choses. À l’égard des autres parties intéressées, la démarche même du roi de Hollande prouve qu’il a obtenu le consentement de ses agnats de la maison de Nassau à l’échange d’une portion du Luxembourg contre la portion cédée du Limbourg, et que pour indemniser la confédération germanique, il s’est enfin résigné lui-même à fédéraliser le Limbourg, destiné à devenir hollandais, moins la place de Maestricht, et il est encore permis de supposer qu’il s’est assuré éventuellement de l’adhésion de la diète de Francfort à ces dernières combinaisons territoriales. Cette autre face de la question est aussi très grave, et il en découle immédiatement des conséquences de la nature la plus sérieuse.

Disons-le tout de suite ici. Ce n’est pas du tout, comme on l’a prétendu, un malheur pour la Belgique que le traité des 24 articles ne contienne pas une clause fixant un délai de rigueur, passé lequel ce traité ne serait plus valable, s’il n’était pas accepté par la Hollande : à moins que cette annulation n’ait dû concerner que la Hollande seule, et que toutes les grandes puissances européennes aient dû rester liées par leur ratification. Car si l’on avait posé dans un article additionnel que le défaut d’acceptation de la Hollande annu-