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LE PRINCE LOUIS.

dédaigneuse justice, elles ne se donnent ni aux unes, ni aux autres. Mais il n’est pas moins vrai que le rôle d’un gouvernement habile et sage est à la fois de réprimer et de prévenir, de réprimer les délits commis, et, par cette justice opportune et modérée, de prévenir les déportemens plus graves qui pourraient éclater. C’est ainsi qu’on évite les actes sanglans, comme l’exécution dans les fossés de Vincennes et la boucherie de Culloden.

Voilà pourquoi le procès du 9 juillet est une mesure à la fois politique et humaine, et qui méritait d’être appréciée avec plus d’intelligence et de justice par quelques organes quotidiens de l’opposition. Nous croyons que la presse opposante s’est trompée en se hâtant de déverser un blâme passionné sur le parti qu’a pris le ministère avec une rapide décision. Elle peut déjà s’apercevoir de son erreur, car l’opinion ne l’a pas suivie dans ses colères un peu laborieuses. Elle s’est opiniâtrée à ne voir dans cette affaire qu’une question de procédure ; mais le public et les hommes politiques y voyaient autre chose.

Il y a d’ailleurs un besoin profond chez tous de vivre, de jouir des résultats de nos deux révolutions, de les perfectionner, et de laisser tomber dans un irrévocable oubli ce qui n’est ni réel, ni raisonnable. La société veut exister pour elle-même, vaquer à ses affaires, à son bonheur ; et comme elle est convaincue que le gouvernement qui la dirige aujourd’hui, loin de songer à peser sur elle, travaille à faciliter les développemens de son bien-être et de sa liberté, elle l’appuie et l’approuve ; dans les mesures qu’il estime nécessaires à son maintien et à sa force. Depuis huit ans, elle a eu le loisir et l’occasion de se poser cette question : Quel est de tous les gouvernemens celui qui convient le plus à ses intérêts ? et elle se conduit aujourd’hui d’après des convictions acquises sous le feu d’épreuves ardentes.

La société française ne veut pas d’une troisième restauration, parce que, dans l’hypothèse où un pareil contresens serait un instant possible, elle trouverait dans cette exhumation du passé le despotisme, l’oppression de l’esprit humain, les réactions d’un bigotisme qui voudrait se venger des progrès de la science et du siècle, et la nécessité d’une révolution nouvelle.

Le napoléonisme ne lui sourit pas davantage ; car, si la puissance et la gloire militaire ont toujours pour elle un vif attrait, elle ne veut plus que la guerre soit, comme dans les quinze premières années du siècle, l’unique occupation de la jeunesse et du pays. L’empereur et