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LE PRINCE LOUIS.

doivent à coup sûr modifier les armées et les héroïques accidens de la guerre.

L’histoire des huit années qui se sont écoulées depuis 1830 est un indice certain des dispositions de l’Europe. Nous avons vu la guerre générale mise aux voix et repoussée tant par la réflexion des hommes politiques que par l’instinct des peuples, puis la diplomatie tantôt suspendre, tantôt lancer elle-même les foudres de la guerre. La prise d’Anvers, servant de conclusion aux protocoles de la conférence de Londres, cet élan de la bravoure française, qui s’arrête, parce qu’elle le veut, après avoir rendu aux Belges ce qu’ils n’auraient pu eux-mêmes reprendre sur les Hollandais, est comme un échantillon de la manière intelligente et nouvelle dont les peuples entendent aujourd’hui l’usage de la force. Le royaume des Pays-Bas, élevé en 1815 contre la France, a été démembré sans guerre, et l’existence politique des Belges a pour garantie la protection armée de la France. En Orient, la diplomatie combinée de Paris et de Londres est l’arbitre de la guerre et de la paix.

En raison même de l’estime et du respect dont il est juste d’entourer la puissance et l’honneur militaire, il faut désirer que les hommes qui les représentent entrent entièrement dans l’intelligence de leur siècle. Les armées ne doivent pas délibérer, mais le soldat peut et doit penser et réfléchir. Il ne saurait échapper aux observations du militaire, de l’économiste, du politique, que, dans une époque où les développemens de l’industrie prolongent la paix et changent les moyens de la guerre, où les débats des tribunes parlementaires répandent la lumière sur tous les secrets et les mobiles du monde politique, où les peuples eux-mêmes sont armés sous les dénominations de milice et de garde nationale, les armées permanentes doivent subir de grands changemens dans leur constitution morale et positive. Il faut songer à améliorer la vie matérielle de l’homme de guerre, à l’instruire, à combiner de plus en plus son existence avec le génie et la destinée de notre siècle.

À coup sûr, pour atteindre ce but vraiment social, le premier soin à prendre est d’appeler la réprobation publique sur les idées fausses, sur les chimères coupables avec lesquelles on pourrait tenter d’égarer les jeunes courages enrôlés sous les drapeaux. Et peut-on se représenter une pensée plus criminellement erronée que de proposer à notre armée l’essai d’un nouveau 20 mars ? Un 20 mars sans Napoléon, après vingt-trois ans de vie constitutionnelle ! On se sent pénétré d’une compassion douloureuse en voyant qu’un malheureux