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mêmes termes. On peut s’en réjouir, on peut s’en plaindre et s’en irriter. Mais le résultat semble acquis ; dans ces termes-là, il est obtenu… ou manqué ; et, à mon sens, en partie obtenu, en partie manqué. Ceux même qui continuent de prendre l’humanité par le côté ouvert et généreux, qui embrassent avec chaleur une philosophie de progrès, et persistent avec mérite et vertu dans des espérances toujours ajournées et d’autant plus élargies, ceux-là (et je ne cite aucun nom, de peur d’en choquer quelqu’un, tant ils sont divers, en les rapprochant), ceux-là ont des formules auprès desquelles le programme de Lafayette, la déclaration des droits, n’est plus qu’une préface très générale et très élémentaire, ou même ils vont à contredire et à biffer sur quelques points ce programme.

La révolution française a eu des momens bien différens, et quoiqu’on retrouve Lafayette au commencement et à la fin, il y a eu d’autres écoles rivales et au moins égales de celle qu’il y représente. Outre l’école américaine, il y a eu l’école anglaise, et celle d’une dictature plus ou moins démocratique, à laquelle on peut rapporter, à certains égards et toute restriction gardée, la convention et l’empire.

L’école américaine prétend tirer tout du peuple et de l’élection directe. L’école anglaise a surtout en vue l’équilibre de certains pouvoirs, émanés de source différente. L’école dictatoriale et impérialiste (je la suppose éclairée) a pour principe de tout prendre sur soi et de se croire suffisamment justifiée à faire administrativement ce qui est de l’intérêt d’état, dans le sens de l’ordre et de la société.

Sans avoir à m’expliquer avec détail sur l’établissement de 1830, ce qui mènerait trop loin et ne serait pas ici en son lieu, il est évident qu’en 1830, aucune de ces trois formes, américaine, anglaise, impérialiste, n’a triomphé et qu’il s’est fait une sorte de compromis très mélangé entre toutes les trois. Le principe électif, qui a été jusqu’à faire un roi par des députés, n’a pas été alors jusqu’à refaire des députés, des mandataires directs de la nation. La chambre des pairs, bien qu’émondée dans son personnel et atteinte dans sa reproduction aristocratique, a subsisté, au choix du roi. Ainsi l’école américaine n’a pas été satisfaite.

L’école anglaise, communément dite doctrinaire, l’aurait été plutôt. Mais il y a si peu d’aristocratie politique en France, que tout point d’appui manquait de ce côté ; il a fallu asseoir le centre de l’équilibre sur la classe moyenne, et faire un peu artificiellement la théorie de celle-ci, qui pouvait à tous momens ne pas s’y prêter. On y a réussi pourtant assez bien, à l’aide de beaucoup d’habileté sans doute, à