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parlé de ces parlemens, et on les a vantés comme une véritable représentation nationale pour la Sicile. Il faut être vrai. Les parlemens siciliens ne représentaient que la noblesse, le clergé et le domaine de la couronne. Le bras domanial n’était composé que de procureurs envoyés par les quarante-trois villes du domaine. Ils se retiraient en même temps que l’assemblée, dont les travaux ne duraient que peu de jours. Le bras ecclésiastique ne supportait qu’un sixième des subsides votés par le parlement ; les cinq autres sixièmes étaient supportés par les deux autres bras, c’est-à-dire par les vassaux des barons et ceux de la couronne. La tâche du parlement, et en cela elle était nationale, était de débattre la quotité des impôts demandés par le souverain. Plusieurs fois même il résista à ces demandes, et d’une façon si péremptoire, que, dans le parlement tenu à Catane, en 1789, le vice-roi Prades, ne pouvant obtenir le subside qu’il demandait pour guerroyer contre les Turcs, fit arrêter les députés de Messine, qui s’étaient montrés les plus véhémens dans le parti de l’opposition. Au contraire les députés de Palerme votèrent le subside par esprit de rivalité ; et ce qu’il y eut de singulier, c’est que la population se souleva à ce sujet dans les deux villes : à Messine, à cause de l’arrestation des députés ; à Palerme, parce qu’on accusait les députés palermitains d’avoir trahi leurs concitoyens. Cet exemple donne une idée du genre de gouvernement qu’avait alors la Sicile.

On ne saurait dire qui eut jamais l’autorité dans ce singulier pays. Sous Philippe II, le parlement fut à peine écouté, et quand deux de ses bras avaient voté des subsides, on les levait sans s’arrêter aux protestations du troisième. Puis on les faisait lever par des agens royaux au lieu des jurats commerciaux, qui devaient être chargés de cette tâche. Plus tard, la députation n’obtint la faculté de se réunir que dans le palais du vice-roi, qui était une véritable forteresse, où il fallait voter sous les piques des soldats espagnols. Le résultat de cette administration et de ces levées d’impôt consécutives fut une misère générale et une famine dans laquelle périrent plus de 200,000 habitans.

Quand le peuple, accablé de taxes, n’était plus en état de fournir les subsides, on vendait les propriétés du domaine. Puis le parlement votait encore des subsides pour racheter les propriétés aliénées ; après quoi on aliénait de nouveau ces mêmes terres. C’était là le système des finances. Quand la flotte de don Juan d’Autriche vint hiverner à Messine, on mit en vente, pour soutenir l’expédition, tous les biens fonds