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LA SICILE.

par la tempête, à l’entrée du port de Trapani. La peste entra dans la petite ville de Trapani avec ces malheureux restes de notre croisade, et elle fut si terrible, que les soldats se débandèrent et s’enfuirent dans toutes les directions, à Marsala, à Alcamo, à Salemi, à Calatafimi. Les Siciliens, déjà exaspérés par les exactions des Angevins, regardèrent la peste comme un des maux nombreux qu’ils devaient à la France, et l’esprit de vengeance commença à réunir toutes les parties de la Sicile, divisée depuis si long-temps. On conspira donc avec le secret profond qu’on sait garder dans les vallées retirées et dans les montagnes inaccessibles. Pendant ce temps, le roi Charles, ignorant ces dangers, était occupé à escorter pieusement, de Trapani à Palerme, les entrailles de son frère dont le corps était porté en France sur une galère. Ce n’est pas sans émotion qu’un Français peut visiter la magnifique église bizantine de Montréal, près de Palerme. À droite du grand autel d’argent, du côté opposé à la voûte sous laquelle dorment près l’un de l’autre Guillaume-le-Mauvais et Guillaume-le-Bon, et en face de la chapelle de la famille Lampeduza, au pied d’un petit autel, est un sarcophage de marbre blanc. Ce simple monument, refait dans les temps modernes, a beaucoup souffert de l’incendie qui a ravagé l’abbaye de Montréal en 1811. Sous cette pierre, brisée et crevassée de toutes parts, se trouve une partie des restes mortels de saint Louis, le grand roi auquel se rattachent nos plus antiques souvenirs de gloire et de liberté. Le roi de Naples vint, il y a peu d’années, dans l’église de Montréal, et accorda aux moines de l’abbaye, sur leur demande, le privilége de pouvoir prononcer leurs vœux avant l’âge de vingt-un ans. Ce privilége est inscrit en lettres d’or sur une table de marbre attachée au grand escalier. Il est à regretter que les sculpteurs n’aient pas trouvé un moment de loisir pour inscrire une simple ligne sur le cénotaphe de saint Louis.

Les vêpres siciliennes furent le résultat de beaucoup de causes. La première de toutes fut le mécontentement des populations, sans doute. Le peuple et les nobles étaient également tyrannisés par les Français et les délégués de Charles d’Anjou. Les principaux reproches qui leur sont adressés consistent en ceci : « Povenano gabelle inauditi, ricostevano gravezze intolerabili, volevan per forzan aver per moglie le nobili e ricche donne, e machinavano ogni ora adulterii con quelle ch’erano maritale. » Ces choses durèrent cependant dix-sept ans. Éribert d’Orléans étant gouverneur de la Sicile pour le roi Charles, Jehan de Saint-Remi, justicier de Palerme et du val de Mazzara, Thomas de Busanty, justicier du val de Noto, les Siciliens résolurent