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LA SICILE.

sur son cheval, lorsqu’un jeune homme noble, qui était devenu épris du bel animal, s’en alla à la sépulture de son père, l’ouvrit, et y prit un scudo d’or que sa mère y avait déposé quand on y avait enterré le défunt ! Guillaume, qui administrait ainsi la Sicile, est enterré lui-même dans la magnifique église gothique de Montréal, près de Palerme, dans un tombeau de porphyre noir que l’incendie de 1811 a cruellement endommagé, ainsi que toute l’église. La pierre se trouva fendue, et quand on l’ouvrit, on y aperçut le corps de Guillaume-le-Mauvais dans un état parfait de conservation. Guillaume-le-Bon, son fils et son successeur, a sa tombe près de là. Il se fit mettre humblement dans une sépulture de briques, au pied du monument de porphyre et de marbre de son père, bien qu’il valût mieux que lui.

Ce bon roi Guillaume hérita, à l’âge de onze ans, de la couronne de Sicile, et fut joyeusement salué à son avénement, comme on le pense bien. Les vieux légendaires de Sicile disent qu’il était alors si aimé de tous, qu’il ne touchait presque jamais la terre, et qu’on le laissait rarement s’asseoir, car il était toujours dans les bras de l’un ou de l’autre, or di quello or di questo, « et il n’avait pas un seul précepteur ni pédagogue, mais tous ceux de la cour étaient comme ses maîtres, et l’on pouvait dire qu’il était l’élève de tous. » Malgré toutes ces choses, le petit Guillaume resta un bon roi ; il restreignit l’autorité des barons, qui devenait chaque jour plus abusive, établit des tribunaux ecclésiastiques pour les délits des clercs, ce qui était également un acte de courage, et fit des lois qui furent dictées par un tel esprit de sagesse, qu’elles ont servi depuis de base aux réformes.

Après la mort de Guillaume II, Tancrède, fils naturel de la comtesse de Lecce et de Roger, l’aîné du grand comte, fut élu par la noblesse. La race normande se termina en lui par un court mais glorieux règne, durant lequel il soumit de nouveau la Calabre et la Pouille, et fit respecter les conquêtes de ses pères en véritable chevalier normand. Il y eut ensuite un règne terrible, celui de l’empereur Henri, mari de Constance, fille du roi Roger. Il chassa du trône le jeune Guillaume, qui s’était appuyé sur la race arabe, et avait persécuté si violemment la race normande, que les Siciliens, également mécontens, s’unirent à elle et se révoltèrent. Catania fut brûlée, Syracuse dévastée encore une fois par l’empereur à son retour en Sicile. Il y mourut empoisonné, dit-on, et la laissa dans le plus grand trouble. Le règne de l’empereur Frédéric répara les malheurs du règne précédent. Il tint deux parlemens, l’un à Capoue, l’autre à Messine, où il publia des capitulaires contre les violences des barons, et alla jus-