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REVUE. — CHRONIQUE.

contre de cette vérité. Personne ne nous a jamais surpris la prétention d’exprimer les idées de M. Molé, et nous ne nous sommes jamais donnés, que nous sachions, pour les organes de son opinion. Nous avons défendu le ministère, il est vrai, parce qu’en l’état d’aigreur où le cabinet précédent avait mis les esprits, nous avons jugé qu’il était de l’intérêt du pays d’avoir un ministère conciliant et facile. La paix, l’ordre et la prospérité qui règnent en France aujourd’hui, prouvent que nous ne nous étions pas trompés sur les résultats que nous attendions de cette administration. Nous dirons, en même temps, que nous ne nous étions pas non plus trompés sur cette administration elle-même ; en la défendant loyalement, comme nous l’avons fait dans le cours de cette session, en lui indiquant avec vigilance tous les points par lesquels on devait l’attaquer, en suppléant, par nos plaidoyers assidus et chaleureux, à son silence dans quelques discussions, nous obéissions à une pensée qu’on peut dire, maintenant que ses dangers de tous les jours et de toutes les séances sont passés.

Cette pensée, la voici. Nous appréhendions, avec beaucoup de bons esprits, que les notabilités de la chambre qu’on désignait pour un prochain ministère, n’y apportassent des idées politiques trop vivaces pour ce temps d’arrêt et de repos dont le pays avait besoin, après les alertes que lui avaient données les lois de disjonction, de dénonciation, et toutes les entreprises non consommées des ministres du 6 septembre. Il est vrai que M. Molé faisait partie de ce cabinet ; mais nous connaissions trop bien la véritable nature des opinions politiques de M. Molé, et le sens fin et exquis qui les dirige, pour ne pas savoir qu’une fois uni à M. de Montalivet, il serait d’autant plus à la hauteur de sa mission, qu’il obéirait, sans obstacle, au penchant naturel de son esprit libéral. Or, c’est ce qui le rendait admirablement propre aux circonstances et à l’état de choses qu’il fallait établir. Dans cette année de repos, et non de langueur, comme on l’a prétendu, de grandes affaires ont été décidées, de grands travaux, bien utiles pour la France et bien nécessaires à sa tranquillité future, ont été votés, grace au ministère d’abord, mais grace aussi un peu aux défenseurs du ministère dans la presse quotidienne et hebdomadaire, dont le zèle et le dévouement au pays méritaient peut-être un langage moins dédaigneux que celui que leur tient la Charte de 1830. Mais le ministère voudrait manquer de gratitude envers ses défenseurs, qu’il n’y réussirait pas, car il ne leur doit rien. Il ne s’agissait pour eux que d’empêcher qu’une session aussi importante que l’a été celle-ci, ne fût stérile, comme elle pouvait l’être par l’effet du mécontentement des partis et par d’autres causes qu’il ne nous convient pas d’indiquer. La presse intelligente des intérêts du pays a atteint son but. La France aura des canaux, des chemins de fer ; c’est là tout ce qu’elle voulait. Peu importent maintenant les questions personnelles. Que le ministère ait ou n’ait pas d’organes, la question n’est là ni pour les chambres, ni pour le pays, ni même pour la presse. Quant à nous, loin d’ambitionner cet honneur, nous conseillerions plutôt au ministère de s’en tenir à la déclaration de la Charte. En ne communiquant ses vues poli-