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hommes, tandis qu’ils pouvaient en mettre cinquante mille lors de leur premier établissement. Cette diminution est aussi attribuée aux dernières guerres de Pologne, où ils ont considérablement souffert. « Toutes leurs forces, dit M. Spencer, sont aujourd’hui insuffisantes pour garder une frontière aussi étendue, en sorte que les acquisitions de territoire de la Russie, dans cette partie de l’Asie, au lieu d’être pour elle un accroissement de force, ont véritablement ajouté à sa faiblesse. »

Le voyageur anglais quitta avec plaisir les steppes et les marais du Kouban en comparaison desquels les premières vallées du Caucase lui parurent un véritable Éden. Il traversa le pays des Nottakhaitzi, et trouva là quelques copies du Portfolio, contenant la déclaration d’indépendance des Circassiens, publiée dans ce recueil et rédigée vraisemblablement par une plume européenne. Cette déclaration circule, dans le Caucase, traduite en turc (car la langue circassienne ne s’écrit pas) ; les princes et les nobles la portent sur eux, qu’ils sachent lire ou non, et ont pour elle le même respect que les Turcs pour le Coran. M. Spencer apprit de ses hôtes que la confédération pouvait mettre en campagne près de deux cent mille hommes ; que la population confédérée montait à trois millions d’ames, et que, si les tribus qui reconnaissent à quelques égards la souveraineté russe s’y joignaient, le total serait de quatre millions. Toutefois il reconnaît que ces calculs ne peuvent pas être considérés comme fort exacts.

M. Spencer ne dit pas comment il s’y prit pour quitter la Circassie et rentrer en Europe. Le reste de son ouvrage est consacré à des détails sur les mœurs et les usages des Circassiens, sur leur division en castes et leur esprit aristocratique ; sur leurs institutions semblables à celles des anciens clans écossais ; sur leur religion, mahométane de nom, mais mélangée de cérémonies idolâtres et de quelques restes de christianisme ; sur leur manière de rendre la justice, leurs mariages, leurs danses, leur musique, dont il donne un échantillon que nous soupçonnons être une importation européenne, tant il ressemble peu à ce que nous connaissons de musique orientale ; enfin sur leur agriculture, leurs maladies, leur médecine, etc., etc. Tous ces renseignemens ont de l’intérêt pour la plupart ; mais, comme ils ne diffèrent en rien d’essentiel de ceux qui ont été donnés par d’autres voyageurs, et notamment par Klaproth, dont les ouvrages sont fort répandus, nous avons dû préférer, dans nos extraits, ce qui est vraiment neuf dans ce livre : savoir, la partie politique. Maintenant que nous l’avons analysé sous ce point de vue avec tout le soin dont