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verte des Indes occidentales. En conséquence, il n’a pas pu interdire à ses sectateurs l’usage de ce nectar enivrant. Il est notoire que les personnes le plus haut placées de l’empire se sont fait ordonner le vin dans l’intérêt de leur santé.

« Le sultan Mahmoud, par la hardiesse de ses réformes, directement opposées aux prescriptions de l’islamisme, et que l’intrépide énergie de son caractère pouvait seule lui faire entreprendre, a profondément ébranlé la foi du peuple dans l’infaillibilité du Coran, et a complètement détruit chez lui la croyance qu’un homme mortel ne pouvait violer impunément les lois du prophète, lois écrites de la main de Dieu même avant la création du monde, et apportées par l’ange Gabriel au grand Mahomet, l’élu du ciel. Il n’est donc pas étonnant que l’incrédulité à l’origine divine du Coran fasse des progrès rapides. On se dit même à l’oreille que le sultan, dans les dernières années, a accordé aux rajahs humiliés, et aux giaours tant méprisés, beaucoup plus de faveurs qu’il n’eût convenu au vicaire du prophète de Dieu ; et même quelques-uns des chrétiens de Stamboul osent conjecturer qu’il ne serait pas impossible qu’au bout de quelques années, leur foi épurée fût adoptée à la place des erreurs de l’islamisme. »

M. Spencer adopte jusqu’à un certain point cette conjecture, et il émet l’opinion que, si les Turcs embrassaient le christianisme, ils se rallieraient plutôt au protestantisme qu’aux croyances de l’église grecque ou de l’église romaine. Il pense que les pompes, les cérémonies, les nombreux jours de fête et d’abstinence de ces deux églises ne sauraient convenir aux musulmans, accoutumés à un culte très simple et très peu chargé de pratiques ; qu’ils seraient en outre repoussés par l’horreur que leur inspirent les statues et les tableaux, horreur qu’ils ont au même degré pour la foi à la médiation des saints. « Pour corroborer les opinions que je viens d’annoncer, on me permettra peut-être de dire que, pendant les différentes discussions que j’ai eues avec mes amis turcs, au sujet de la religion, ils ont souvent exprimé leur surprise de ce que le christianisme renfermait une croyance et un culte aussi dégagés des secours extérieurs et accessoires adoptés par les églises grecque et romaine, que l’est le protestantisme ; et quand j’expliquais que l’essence du christianisme consistait dans sa simplicité, ils avouaient ouvertement et sans hésiter une vive admiration pour lui. Ne puis-je pas en conclure, sans m’exposer à être traité de visionnaire, que, si on adoptait des mesures prudentes et raisonnables, il y a une forte probabilité que