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licence italiennes, les réactions furieuses que devaient soulever chez les laïques, princes et peuples, les entreprises catholiques, et il faudra reconnaître combien était nouvelle dans les fastes humains cette théocratie qui convoitait à la fois les propriétés de Mathilde et l’empire du monde.

L’histoire de la papauté est un des plus beaux sujets qui puissent s’offrir à la plume du penseur ; elle a la rigueur d’un système, l’intérêt d’un drame, l’ironie d’une comédie. De grandes époques la divisent naturellement. Les premiers siècles de l’épiscopat romain jusqu’à Grégoire Ier sont comme une introduction simple et progressive qui nous mène aux premiers développemens politiques de l’autorité morale qu’exerce l’église de Rome sur les autres églises. Grégoire Ier est vraiment la lettre initiale de cette grandeur spirituelle dont il pose les fondemens au commencement du viie siècle, en mêlant l’habileté de l’homme d’état aux vertus du prêtre. Par toutes les voies il poursuit le succès : il flatte Phocas malgré le sang qui couvre l’usurpateur ; il félicite les Francs d’avoir pour reine l’excellente Brunehaut ; il sacrifie tout au désir de mettre Rome en rapport avec les puissans.

Depuis Grégoire Ier jusqu’à Grégoire VII, c’est-à-dire, pendant quatre siècles et demi, la papauté jette les fondemens de sa puissance politique, tant en Italie que sur les autres pays ; elle rencontre des fortunes diverses, d’éclatantes prospérités et des revers douloureux ; tour à tour ses représentans la servent par leurs talens et leurs vertus, ou sont au moment de la perdre par la folie de leurs déportemens. Les grands pouvoirs politiques l’exaltent, puis l’oppriment. Les Francs et Charlemagne la glorifient. Les Allemands et les Othon l’enchaînent, et quelquefois l’avilissent. Toutefois, dans ce conflit, elle dure et persévère ; elle résiste même à ses fautes, à ses excès. Il semblerait que les extravagances dont les Romains furent les témoins et les acteurs au xe siècle, dussent lui causer un dommage irréparable : au contraire, elles provoquèrent, au sein du clergé catholique, la réaction intérieure dont sortit Hildebrand.

Grégoire VII et Innocent III sont comme deux anges exterminateurs, placés, l’un au commencement, l’autre à la fin de la grandeur pontificale. C’est entre ces deux papes, depuis la dernière moitié du xie siècle, jusqu’au premier quart du XIIIe, que s’est affirmée sans restrictions comme sans voiles la puissance de l’église. Grégoire VII élève le prêtre à la sainteté du célibat, il purge l’église de la corruption pécuniaire, appelée simonie ; il lui rend la liberté de ses élections, en ôtant aux empereurs l’investiture par l’anneau et la