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REVUE. — CHRONIQUE.

s’occupe de l’améliorer notablement. Dans la dernière session, des fonds considérables ont été votés pour le perfectionnement de la navigation entre Paris et Vitry-le-Français. Ces travaux sont en voie d’exécution. Le ministère propose, et la commission l’appuie, d’ouvrir un canal entre Vitry et Strasbourg, distance modérée. Cela fait, la Marne sera jointe au Rhin, et non pas seulement la Marne, mais la Seine. Un canal se trouvera pratiqué entre le Hâvre et Paris, entre Paris et Strasbourg, entre Strasbourg et Francfort-sur-le-Mein, par le Rhin, et, bientôt entre le Mein et le Danube, c’est-à-dire entre Francfort et Constantinople. L’Europe sera coupée dans toute sa largeur par cette ligne de communication, et les marchandises portées au Hâvre, par l’Océan, pourront aller débarquer à Constantinople, à Rassova ou à Sébastopol, dans la mer Noire.

Il serait long de développer tous les résultats de cette entreprise. La commission les a tous compris, et son rapporteur les a exposés avec une supériorité remarquable. Le rapport de M. le marquis de Dalmatie atteste qu’il est au courant de toutes les questions européennes, et qu’il est fait pour traiter avec avantage de tout ce qui intéresse la grandeur et la prospérité de la France. C’est une justice que lui rendront tous ceux qui liront son rapport.

L’état des travaux qui restent à faire à la chambre, a été distribué par ordre du président. Trente-quatre projets de lois y figurent, et il s’en trouve de très importans. Ceux de l’effectif d’Alger, des canaux, des chemins de fer, ne peuvent être rejetés à une autre session. Nous regretterions de voir retarder, et encore plus de voir repousser le projet qui accorde une pension viagère à Mme de Lipano, la veuve du roi Murat. On a cité le mot d’un député qui disait : Je n’examine pas la créance. Si nous devons, je paie ; si nous ne devons pas, je donne. — Il paraît que la créance est fondée néanmoins, et que si la France donne une pension à la sœur de Napoléon, à qui ce secours est nécessaire, elle fera plus qu’un acte de générosité, elle fera un acte de justice.


— L’Odéon, ce théâtre qui, depuis quelques mois, se traîne si péniblement à la suite de la Comédie-Française, vient enfin d’obtenir un succès avec le Bourgeois de Gand, drame de M. Hippolyte Romand. L’honneur et l’humanité sacrifiés par une ame généreuse au patriotisme, tel est le sujet de ce drame. Robert Artevelle est ressuscité pour devenir le secrétaire du gouverneur des Pays-Bas, et il excite son maître à verser le sang des Belges, parce qu’il sait que de ce sang répandu la liberté de ses concitoyens doit sortir. Au point de vue de la vraisemblance, on peut attaquer la donnée choisie par M. Romand. Brutus, Fiesque, Lorenzo de Médicis, ne justifient pas la conception de son Artevelle : il ne leur est pas arrivé de faire couler à flots le sang des Romains, des Génois, des Florentins, pour arroser, au prix de leur honneur et de la sécurité de leur conscience, l’arbre de la liberté de leur patrie. Il faut à Robert Artevelle une conviction bien profonde, une confiance bien inébranlable dans sa clairvoyance, pour répandre sans remords le sang de ses frères, le sang de d’Egmont, sur une terre que cette rosée affreuse peut laisser aride. Toutefois, cette donnée étant acceptée, M. Romand y a décou-