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MIMES ARISTOCRATIQUES.

Dès la 75e olympiade, on voit commencer en Sicile, à la cour d’Hiéron, ce genre de poésie vraiment aristocratique. Presque au même moment qu’Eschyle fondait la tragédie à Athènes et qu’Épicharme perfectionnait la comédie sur le théâtre public de Syracuse, Sophron dans l’intérieur du palais essayait cet autre genre de drame, dont il fut, avec Xénarque, le créateur et le modèle. Condamnés par leur destination même à n’obtenir qu’une publicité restreinte, les mimes de Sophron ne paraissent pas avoir été connus à Athènes avant que Dion les y eût portés. On sait qu’ils charmèrent particulièrement Platon, qui les lisait sans cesse. Les biographes de ce philosophe racontent même qu’on les trouva sous son chevet après sa mort[1]. Il est probable que l’auteur du Banquet imita dans ses dialogues quelque chose du ton et de la forme de ces petits drames. Aristote cite à deux reprises les mimes de Sophron ; une première fois, dans son ouvrage sur les Poètes, et ensuite dans sa Poétique : « Nous n’avons pas, dit-il, d’autre nom générique pour désigner les mimes de Sophron et de Xénarque, non plus que les dialogues socratiques, et en général, toute imitation écrite en vers trimètres, élégiaques, ou autres. »

Un mot de Suidas, probablement mal copié, a fait douter, malgré le passage qui précède, que les mimes de Sophron fussent écrits en vers. Le fait est même resté problématique, quoique plusieurs fragmens de cet auteur[2] nous aient été conservés par Démétrius de Phalère, Athénée et quelques autres[3]. Calliaque a prétendu concilier les deux opinions en avançant que les mimes de Sophron étaient, comme les satires de Ménippe, mêlés de prose et de vers[4].

Les mimes de Cercidas de Mégalopodis n’ont pas fait naître les mêmes doutes. Stobée appelle nettement cet écrivain auteur de mimiambes[5]. L’attachement que cet orateur-poète avait voué à Philippe, et qui lui attira les invectives de Démosthène[6], peut faire supposer qu’il avait composé ses mimes pour la cour de Macédoine.

Nous possédons d’admirables échantillons de la poésie mimique. Il nous reste trois pièces probablement composées pour les palais et destinées aux fêtes des rois grecs. Ces trois morceaux sont de Théocrite. Deux de ces mimes doivent avoir été représentés devant Ptolémée Philadelphe à Alexandrie, et le troisième dans le palais d’Hiéron II à Syracuse. Ces trois drames, qui se

  1. Diog. Laert., Plat., lib. III, § 18. — Olympiod., Platon. vit., ad calc.Quintil., lib. I, cap. XI.
  2. Otfr. Müller regarde ces fragmens comme étant plutôt une prose cadencée que de véritables vers (Die Dorier, tom. II, pag. 360). Cette prose symétrique est peut-être l’origine du vers politique. Voy. Schol. in Greg. Naz. ap. Montfauc. Bibl. Coisl., pag. 120, et Jac. Tollius, Iter Italic., pag. 96.
  3. Les fragmens de Sophron ont été en grande partie réunis dans le Classical journal, 1811, 2e cahier, pag. 381 et suiv.
  4. Calliach., De ludis scenic., pag. 40.
  5. Stobæus, Floril., tit. LVIII, no 10.
  6. Demosth., De coron., pag. 521, B. — Harpocr., voc. Κερκίδας.