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DE LA SOUSCRIPTION DIRECTE.

pas tout. Les spéculateurs, trouvant la porte ouverte, pénètrent dans l’association et en prennent leur part, aussi bien que les détenteurs sérieux.

Les hommes, dont le coup d’œil s’est le plus exercé à suivre le mouvement des capitaux, estiment que, dans les souscriptions ouvertes par diverses compagnies pour l’exécution des chemins de fer, la part des spéculateurs ne saurait être évaluée à plus de quarante pour cent. C’est encore assez pour compromettre l’avenir de ces entreprises ; une telle masse de valeurs flottantes, agissant sur le crédit de chaque affaire, avant qu’on puisse le mesurer exactement à ses produits, doit promptement l’affaiblir et l’ébranler. Des moyens de défense sont ici nécessaires ; il en est du crédit des entreprises de chemins de fer comme de celui de l’état, qu’il a fallu soutenir longtemps par des appuis artificiels, avant que l’expérience en eût montré la solidité.

La compagnie qui exécute la route de Strasbourg à Bâle a su déterminer ses actionnaires à immobiliser les titres d’actions, pour la moitié du capital social, jusqu’à l’ouverture des produits. C’est là un expédient héroïque, et qui trouvera peu d’imitateurs. Les valeurs industrielles, essentiellement mobiles de leur nature, ne s’accommodent pas d’une hypothèque qui les séquestre et les écarte de la circulation. Toute propriété n’a de valeur qu’à la condition d’être disponible et de pouvoir se coter sur le marché. Faire deux classes d’actions, les unes mobilières, et les autres pour ainsi dire immobilières par destination, c’est augmenter la valeur des premières aux dépens de la valeur des secondes, c’est donner une prime à certains capitalistes, c’est créer l’inégalité au sein même de l’association.

Au lieu de partager ainsi une compagnie en deux bandes inégales, et de faire violence aux sociétaires qui seraient tentés d’en sortir ; n’est-il pas plus sage de chercher, dans les ressources mêmes de l’entreprise, des moyens de défense contre les spéculations ou contre les accidens qui pourraient en attaquer le crédit ? Pour les actionnaires d’un chemin de fer, la période des travaux est le temps de guerre ; leur crédit a besoin alors des mêmes machines d’attaque et de défense que celui d’un état. Ils sont aussi dans la nécessité de constituer un fonds d’amortissement.

Le fonds d’amortissement, dans une entreprise de chemin de fer, ne doit pas être prélevé sur le capital destiné à couvrir les frais d’exécution ; mais on peut le composer sans difficulté de l’intérêt que por-