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réserve ; en même temps, et pour garantie de l’engagement, il verse un dixième de la valeur souscrite. Chacun sait ce qu’il doit attendre, ce qu’il fait, et avec qui il va s’associer. Les souscripteurs, enregistrés publiquement et dans un ordre successif, forment un corps. La propriété industrielle a son grand-livre ; des valeurs jusque-là mystérieuses, et par conséquent incertaines, sont revêtues du cachet de l’authenticité.

Ce mode nouveau d’association, récemment inauguré en France, a été accueilli avec une faveur marquée. Les listes de souscription ouvertes par plusieurs compagnies ont été presque aussitôt remplies. Les actions souscrites au pair se sont classées directement. La publication simultanée des actes de société a fait connaître à chaque souscripteur l’étendue de l’engagement qu’il allait contracter. À la différence de l’Angleterre où l’on n’exige qu’un dépôt de 2 à 3 p. 100 par action, pour couvrir les premiers frais, les compagnies françaises ont demandé un versement préalable, soit de dix, soit même de quinze pour cent, à chaque actionnaire, pour servir de garantie à son engagement. Ces fonds devaient être restitués, sans retenue, aux souscripteurs, dans le cas où l’on n’obtiendrait pas la concession, et les premiers frais retombaient alors à la charge des fondateurs-gérans. Les capitaux déposés en garantie, en attendant le moment de leur emploi ou de leur retrait, n’étaient pas d’ailleurs enlevés à la circulation. Ils constituaient, pour le banquier qui les avait reçus, une sorte de commandite temporaire dans les opérations d’escompte ; et, pour prix de ce service, ils portaient un intérêt de 3 pour 100. Nous ne croyons blesser aucune convenance en faisant remarquer que le jour où la souscription du chemin de Paris à la mer, ouverte chez M. Laffitte, a été remplie, les actions de cette banque ont gagné 10 pour 100 de prime ; le seul fait d’une souscription rivale, ouverte chez un autre banquier, a opéré, sur les mêmes actions, une dépréciation de près de 3 pour 100.

Dans la plupart des entreprises de chemins de fer, dont nous avons les conditions sous les yeux, le premier versement n’épuise pas la garantie des souscripteurs. Cette garantie s’étend à quarante pour cent du fonds social, réalisables dans le délai prescrit par la loi qui autorisera les travaux. En limitant ainsi, aux deux cinquièmes du capital, la responsabilité des actionnaires, on veut assurer l’avenir de l’entreprise, sans faire violence aux découragemens individuels. On suit l’exemple du gouvernement prussien, qui a exigé pareillement des actionnaires du chemin de fer de Cologne une garantie de