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gieuse et demi-royale que Ptolémée Philadelphe déploya dans Alexandrie pour solenniser son avénement à la couronne et honorer la mémoire de son prédécesseur, Ptolémée Soter.

Callixène, qui nous a conservé le détail de cette immense théorie dont nous trouverons le pendant chrétien dans la procession instituée à Aix par le bon roi René, décrit d’abord avec la plus minutieuse exactitude la vaste tente, σκηνὴ, où fut donné le festin royal. Je supprime l’énumération des colonnes, des tapis, des tentures, des statues, des tableaux, des richesses de toutes sortes, dont ce lieu fut orné. Je me borne à transcrire le passage suivant qui trahit le goût singulier de cette époque et qui se rapporte plus directement à mon sujet.

« On avait pratiqué dans les parties supérieures de ce riche pavillon des loges hautes de huit coudées. Il y en avait six de chaque côté dans la longueur de la salle, quatre dans la largeur. On avait placé dans ces loges, en face les unes des autres, des tables garnies de mets pour des acteurs tragiques, comiques et satyriques, vêtus des habits de leurs personnages et ayant devant eux des coupes d’or. Au milieu de ces loges on avait réservé comme un sanctuaire pour y placer des trépieds d’or semblables à ceux de Delphes. »

Callixène passe ensuite au récit de la pompe :

« Le cortège, dit-il, traversa le stade situé près de la ville. La première troupe était celle de l’Étoile du matin car ce fut au lever de cet astre qu’on se mit en marche. Ensuite s’avança la division qui portait le nom des père et mère du roi et de la reine. Après elle suivaient en différens corps les confréries de tous les dieux et de toutes les déesses, ornées et pourvues chacune des objets relatifs à l’histoire de chaque divinité. La dernière troupe était celle de l’Étoile du soir, car la saison se trouvait telle que la pompe ne se termina qu’à la fin du jour. »

L’auteur donne ensuite la description détaillée de chacun des corps dont se composait cette vaste procession. — Je ne citerai, en l’abrégeant, que ce qui a rapport à la phalange de Bacchus :

« La division dionysiaque était précédée de Silènes qui écartaient la foule, les uns couverts d’une robe de pourpre, les autres d’une robe à palmes. Venaient ensuite des Satyres au nombre de vingt, rangés des deux côtés du stade et portant des lampes qu’entouraient des feuilles de lierre d’or. Après eux s’avançaient des Victoires ayant des ailes d’or. Elles portaient des thuriboles de six coudées, ornées de feuilles de lierre et de colonnettes d’or. Ces Victoires étaient vêtues de tuniques sur lesquelles plusieurs figures d’animaux étaient brodées sur un fond d’or… Deux Silènes suivaient en chlamyde de couleur pourpre et en chaussure blanche, l’un portant un pétase et un petit caducée d’or, l’autre une trompette. Entre eux deux marchait un homme grand de plus de quatre coudées, ayant le costume et le masque tragique, et tenant une corne d’Amalthée toute d’or : on l’appelait Eniautos (l’an). Derrière ce personnage venait une femme de belle taille, couverte d’or et