Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 14.djvu/588

Cette page a été validée par deux contributeurs.
584
REVUE DES DEUX MONDES.

tinée, qui est d’être, en toute grande circonstance, commandés et entraînés par l’opinion publique. Nous sommes de ceux qui, dans le cas particulier, se félicitent du résultat, car, à nos yeux, la résolution de conserver l’Afrique est bonne. Mais, quelque opinion qu’on puisse en avoir, elle est prise, et dès-lors la politique n’a plus à s’en inquiéter. Ce qui reste maintenant et ce qui doit uniquement l’occuper, c’est de voir, la France restant en Afrique, comment elle doit s’y conduire.

Qu’est-ce que l’Afrique ? Quels peuples l’habitent ? Quel est le naturel, quels sont les intérêts de ces peuples ? Dans quelle situation y sont nos affaires, et quel plan de conduite nous y prescrivent et cette situation et toutes ces données ? Voilà les vraies questions à agiter aujourd’hui, et à l’examen desquelles nous allons nous livrer. Quoique posées depuis huit ans, on peut dire que ces questions sont encore toutes neuves. Long-temps absorbés par les affaires intérieures, ignorant ce qu’était l’Algérie, qu’on commence à peine à entrevoir, hésitant enfin sur la question suprême de la conservation ou de l’abandon, les cabinets qui se sont succédé depuis la conquête s’en sont à peine occupés. Ce n’est guère que depuis la prise de Constantine que les élémens de la politique d’Afrique commencent à être étudiés sérieusement. Le sujet est immense. Nous n’en toucherons que les sommités, et nous le ferons rapidement.


S’il y a au monde un pays rebelle à l’unité de domination, et qui semble prédestiné à l’anarchie, c’est assurément cette partie de la côte d’Afrique qu’on appelle la régence d’Alger. Trois causes concourent à lui imprimer ce caractère : la configuration du sol, la diversité et l’hostilité des races qui l’habitent, le génie et les habitudes de ces races. Arrêtons-nous d’abord sur ces faits fondamentaux. L’homme ne dompte la nature qu’en se pliant à ses lois, et il ne peut s’y plier s’il les ignore. La soumission d’un pays est aux mêmes conditions ; les plus rebelles cèdent à qui les connaît bien ; les plus dociles résistent à qui ne les sait pas.

En jetant les yeux sur la carte de l’Algérie, on voit que cette contrée, qui s’étend entre le Grand-Atlas et la mer sur une longueur de deux cent cinquante lieues et une profondeur moyenne de soixante, est partagée, d’un bout à l’autre, par la chaîne du Petit-Atlas, en deux régions distinctes, la région supérieure, entre le Grand-Atlas et le petit, la région maritime, entre le Petit-Atlas et la côte. Si l’on cherche les voies de communication ménagées par la nature entre ces deux régions, on ne trouve que quelques sombres défilés par les-