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DOCUMENS SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

et qu’une vie d’homme ne suffirait pas à achever un monument aussi colossal ; il n’a donc plus songé qu’à la mise en œuvre des deux premières parties du recueil, la collection des chartes municipales et celle des statuts des corporations d’arts et de métiers. C’est encore une œuvre immense et qui suffirait à illustrer un nom moins glorieux que celui de M. Thierry. Son recueil ne sera pas seulement une liste savante et froide comme la Gallia christiania pour l’histoire du clergé, comme le père Anselme pour l’histoire de la noblesse, comme Labbe pour les conciles ; ce ne sera pas une poétique et rêveuse légende comme les Bollandistes, mais l’histoire dramatique, active, remuante, du tiers-état, marchant au long et pénible enfantement de nos libertés politiques. Cette œuvre nationale, où chaque ville de France trouvera sa place, se prépare par des dépouillemens préliminaires, par des recherches consciencieuses, qui seules permettront de la rendre complète.

M. Guérard, de son côté, s’est chargé de la publication des principaux cartulaires. Les couvens ont joué un si grand rôle dans l’organisation politique et religieuse du moyen-âge, que ces précieux titres, dont quelques-uns remontent aux premiers siècles de la monarchie, viendront s’ajouter dignement aux grandes collections que nous possédons déjà sur le clergé, à ces Annales des ordres religieux qui recèlent tant de pièces utiles pour l’histoire. Par la spécialité de ses travaux paléographiques, le savant professeur de l’école des chartes était naturellement appelé à cette publication. Le cartulaire de l’abbaye de Saint-Bertin par Folcuin, et celui de Saint-Pierre de Chartres par Aganon, paraîtront d’abord. Un troisième recueil, moins vaste que les deux précédens, mais important néanmoins dans ses limites, se prépare à Besançon, sous la surveillance de M. Weiss. C’est un choix des manuscrits de la famille Granvelle, qui contiennent un grand nombre d’autographes précieux du XVIe siècle, et qui sont de la plus haute importance pour l’histoire des règnes de Charles-Quint et de François Ier. Au lieu d’éparpiller en des œuvres moindres les efforts des éditeurs, il faudrait les réunir en un point, et faire exécuter sur les registres de l’hôtel-de-ville de Paris, du parlement, de la cour des comptes et de la cour des aides, un travail analogue à celui qui se fait à la bibliothèque du roi, pour le Trésor des Chartres, sous la direction de M. Champollion. Il en résulterait des recueils réellement utiles pour l’histoire, réellement intéressans par leur nouveauté.

À côté de ces vastes entreprises, qu’il sera glorieux d’avoir au moins tentées, et dont l’exécution demandera de longues années, on a achevé ou préparé d’autres travaux partiels et moindres, qui, nous aimons à le croire, satisferont mieux que plusieurs des volumes publiés jusqu’ici à la juste exigence du public lettré. Cet espoir sera-t-il justifié par la Chromique des ducs de Normandie, de Benoît, trouvère anglo-normand du XIIe siècle, dont le premier volume a été mis au jour, il y a déjà deux années, par M. Francisque Michel ? Je ne sais, mais nous attendrons la publication bien lente du second volume, pour enjamber, à la suite de l’éditeur et selon son langage, un bras de