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DOCUMENS SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

parisienne actuelle. Il serait facile peut-être d’y rencontrer fréquemment celui de Bourdon ; mais on n’y trouverait, je crois, que fort exceptionnellement ceux d’Arrode, de Pont-l’Asne et de Gentien, qui tenaient alors la plus haute place dans le commerce et dans l’industrie de Paris. « D’ailleurs le rôle de 1292 contient peu de noms patronymiques. Presque tous les contribuables y sont désignés par leurs prénoms, suivis tantôt d’un sobriquet, tantôt du nom de leur pays, le plus souvent de l’indication de leur profession. Telles sont les trois sources d’où sont dérivés la plupart des noms de famille par lesquels chaque individu est aujourd’hui désigné. Ainsi pour ne citer que les plus connus, c’est aux noms de métiers que nous devons les noms de Le Pelletier, Le Fèvre, Fournier, Le Sueur, Le Peintre ; les sobriquets nous ont fourni les noms de Le Bossu, Boileau, Le Jeune, Beaumarchais, Beauvallet, et autres ; des noms de lieux ou de pays viennent les noms patronymiques de Le Gallois, Lallemant, Dumesnil, Lenormand, Langlois, etc. »

Les juifs, auxquels saint Louis avait imposé l’usage de deux rouelles ou cocardes de drap jaune, qui les rendaient ridicules ; les juifs, que Philippe-le-Hardi avait affublés d’une coiffure grotesque, se trouvent indiqués, au nombre de 121, à la fin du rôle de M. Géraud, malgré un arrêt d’exclusion qui datait à peine de deux ans, mais qui paraît n’avoir reçu d’exécution qu’en 1306. Le plus imposé d’entre eux payait 36 livres, et le moins imposé 3 sous parisis.

Tels sont les principaux et même les seuls résultats historiques et statistiques du livre de M. Géraud. Je ne contesterai certes pas l’utilité des chiffres obtenus ; mais ce que tous les lecteurs impartiaux contesteront avec moi, c’est l’importance exagérée qu’on a semblé accorder à ce document, qui peut-être eût fourni un curieux mémoire pour les Notices des Manuscrits de la Bibliothèque royale, publiées par l’Académie des inscriptions, mais qui, à coup sûr, n’avait nul besoin d’être entouré de l’inutile érudition archéologique que M. Géraud a cru devoir déployer à son sujet. La taille de 1292 occupe à peine un quart du volume, et le reste est consacré à des notes sur les rues et les monumens de Paris, notes fort patiemment extraites, mais dont Sauval et Félibien ont fait tous les frais. De quelle utilité peut être, je le demande, un centon de Jaillot, de Lebeuf, de Corrozet, et même de M. Bottin et de l’Almanach, royal, dans une collection intitulée Documens INÉDITS sur l’histoire de France ? Tout ce que M. Géraud écrit sur les églises de Paris se retrouve dans dom Bouillard et dans la Gallia Christiana ; or, il semble que les antiquaires qui ont besoin de ces détails iraient très bien les chercher là. De plus, les Essais sur Paris de Saint-Foix n’étaient pas assez rares pour avoir besoin d’être réimprimés, et ils avaient au moins le mérite d’être amusans.

Qu’importe aux lecteurs de ce temps-ci l’orthographe de la rue Pierre-au-Lart, que Lebeuf écrivait Pierre-Aulard, et Guillot de Paris Pierre-o-Lart ? Qu’importent mille questions de la même force et du même intérêt ? Pourquoi ne pas laisser cette érudition microscopique aux mémoires et aux dissertations des académies de province ? Si on trouve quelquefois trace d’un pareil