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DOCUMENS SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

sorties des orateurs de 1484, c’est qu’en France les idées d’affranchissement et de liberté ne datent pas d’hier.

Aux états de 1484, le seul résultat sensible et immédiat fut la réduction des impôts à la moitié environ de ce qu’ils étaient sous Louis XI. Mais, dès 1486, la régente, Mme de Beaujeu, qui ne convoqua pas les états de deux en deux ans, selon le vœu qu’ils avaient émis, leva encore les impôts arbitrairement, en excédant même de beaucoup la somme fixée deux années auparavant. Le tiers-état, qui n’avait presque demandé que le maintien de ses priviléges, n’obtint guère d’allégement. La noblesse, au contraire, qui, au sortir du règne de Louis XI, ne pouvait guère se montrer exigeante, et qui avait sollicité la remise des villes frontières à sa garde et la réintégration des droits de chasse, fut écoutée dans ses réclamations. Quant à la pragmatique, dont le clergé avait désiré le rétablissement, ce qui ne devait avoir lieu que sous la seconde année du règne de Louis XII, elle fut provisoirement maintenue dans son exécution par le parlement. On ignore si les cahiers de la Marchandise et du Commerce furent pris en considération, mais on fit droit aux réclamations sur la justice prévôtale, telle que l’avait organisée Louis XI.

Ce sont là des faits importans pour l’histoire et que je ne puis indiquer ici qu’à la hâte. Leur exposition détaillée eut donné un véritable intérêt à la publication de M. Bernier, qui, isolée comme elle l’est, perd presque toute sa valeur, et ne peut être regardée que comme un appendice complémentaire de la Collection des États-Généraux, publiée en 1789, et du Recueil des États, de Quinet, qui contenaient déjà les seules parties importantes du Journal de Masselin, connu d’ailleurs depuis long temps ; car, en vérité, où cela ne se trouve-t-il pas ? Et qui n’en a parlé longuement, depuis Garnier dans son Histoire de France, Henrion de Pansey dans son ouvrage sur les Assemblées Nationales, M. Isambert dans sa Collection des anciennes lois françaises, jusqu’à M. de Sismondi dans son Histoire des Français, jusqu’à M. Philippe de Ségur dans son Histoire de Charles VIII. Je suis très loin d’estimer au même degré les historiens que je viens d’énumérer ; mais les ouvrages de quelques-uns d’entre eux étaient assez connus pour que M. Bernier pût tenir compte de leurs travaux, et ne pas avoir l’air par cette omission de publier un document presque inconnu, dont les historiens n’auraient, avant lui, tiré aucun profit. N’eût-il pas été beaucoup plus convenable et de meilleur goût de ne présenter le Journal de Masselin que comme une publication tardive et désirable, dont il serait plus commode de citer dorénavant l’édition imprimée que les nombreux manuscrits ?

Si M. Bernier s’est dispensé de faciliter l’étude du Journal de Masselin par une introduction historique et analytique, et par des notes comparatives empruntées aux historiens contemporains, il a eu, en revanche, la singulière et coûteuse idée de joindre une traduction au latin de son texte. Pour rendre l’usage de ses Monumens de la monarchie plus universels, il a pu plaire aussi à Montfaucon d’écrire son livre en deux langues. C’est là une fantaisie pour laquelle le savant bénédictin n’a pas besoin d’excuse, mais qui ne justifie en