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L’intervention conçue dans cet esprit, et poursuivie avec calme et courage, eût exercé une influence prodigieuse sur l’opinion publique en France ; elle eût surtout complètement annulé la force morale de la Grande-Bretagne, dans la situation que s’efforçait de lui donner M. Canning en face de la sainte-alliance. Le Portugal entrait sans hésiter dans ce plan de régénération politique que le cœur paternel de Jean VI prétendait même devancer. Les projets de M. le marquis de Palmella, notifiés à la France par M. de Marialva, furent à cet égard accueillis, et la correspondance le prouve, avec une froideur dont on ne saurait assurément accuser les sentimens personnels du ministre des affaires étrangères, mais qui constate toute la fausseté de la position qu’on s’était laissé faire.

Nul plus que M. de Châteaubriand n’en souffre et n’en gémit.

« Cette situation doit cesser, écrit-il à M. de Laferronays. Elle cessera à la délivrance du roi. Il est clair que Ferdinand ne peut être abandonné à lui-même. Il retomberait dans toutes les fautes qui ont failli perdre l’Europe. Il faut un conseil, un je ne sais quoi, une institution quelconque qui lui serve de guide et de frein. Quand nous en serons là, il nous sera aisé de nous entendre. »

Peu après cette lettre, Ferdinand VII était dans le camp d’un fils de France, et accueillait nos conseils par les tables de proscription de Port Sainte-Marie et les décrets de Séville.

Tout cela n’eût pas été fort difficile à prévoir ; tout cela n’eût pas été non plus impossible à éviter.

Dans la vie politique, il est bien moins difficile de concevoir une grande pensée que de l’exécuter dans l’esprit où on l’a conçue. À moins de dominer son propre parti et de lui donner plus de force qu’on n’en emprunte, votre plan devient le sien, et le bras gouverne la tête. La guerre d’Espagne en fut un éclatant exemple, et la carrière ministérielle de M. de Châteaubriand nous paraît présenter une autre application de la même maxime, moins éclatante, mais non moins grave.

Le grand publiciste, tout entier à ces projets à long terme qui présupposent force dans le pouvoir et fixité dans les institutions, considérait la septennalité, ou du moins le renouvellement intégral, comme indispensable à la consolidation de la monarchie et à la grandeur de la France. Il avait parfaitement raison au point de vue d’où il embrassait l’avenir. Néanmoins nous croyons que le renouvellement intégral a été l’une des causes les plus immédiates du renversement de la dynastie. En voyant s’ouvrir devant elle cet avenir de sept années qu’on