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Cadix disparût devant la monarchie de la Charte, ou que celle-ci tombât devant elle.

Cette concession, l’histoire sérieuse et sincère l’a déjà faite à M. de Châteaubriand. Aujourd’hui que les passions ont fait silence, et que les évènemens se déroulent dans une perspective lointaine, on ne conteste plus guère ni le droit d’intervention, ni l’obligation où s’est trouvée la branche aînée d’en faire usage à cette époque, ni les résultats sortis de l’expédition de 1823, sous le double rapport de la consolidation du gouvernement à l’intérieur et de la dignité de la France au dehors.

M. de Châteaubriand rappelle avec orgueil ces souvenirs qu’il s’attache à rehausser encore, en liant ses projets sur l’Espagne à d’autres projets qui embrassaient à la fois et la rectification de nos frontières et l’état politique du Nouveau-Monde, combinaisons dignes de son patriotisme assurément, mais qui présupposaient, il faut le dire, un ministère paisible de dix années et une situation mieux assise. Il déclare avoir voulu la guerre d’Espagne long-temps avant qu’elle fût décidée, avant même qu’on envisageât sérieusement la possibilité de l’entreprendre.

On peut admettre cette assertion sans cesser de croire à des fluctuations bien légitimes d’ailleurs, et dont les premières lettres de Vérone semblent apporter la preuve. Si la pensée de la guerre avait été, dès son séjour à Londres, aussi nettement formulée pour lui, il n’aurait probablement pas eu assez d’empire sur lui-même pour l’envelopper dans une dissimulation constante ; et M. de Villèle, qui l’envoyait au congrès dans le seul but de contrebalancer les dispositions belliqueuses de M. le vicomte de Montmorency, se serait bien gardé d’adresser un tel renfort à l’opinion qu’il était incessamment préoccupé du soin d’affaiblir au dedans comme au dehors.

À cet égard, M. de Châteaubriand a éprouvé le sort de tous les hommes politiques. La pensée d’une guerre nécessaire pour relever l’attitude de la France en Europe était chez lui fixe et dominante ; mais lorsqu’il s’est trouvé au milieu des affaires, entre l’empereur Alexandre et M. de Villèle, M. le prince de Metternich et M. Canning, lorsqu’il a balancé de plus près les chances de succès et les terribles conséquences d’un revers, il n’a pu manquer de participer aux hésitations qui se manifestaient autour de lui.

Ce que l’ambassadeur révèle du congrès de Vérone, des vœux, des incertitudes et des craintes de tant de ministres et de tant de rois ; les confidences qu’il a cru pouvoir faire au public en avancement