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Trois compétiteurs s’offrirent d’abord pour solliciter ses suffrages : le duc d’Oldenbourg, oncle de l’empereur Alexandre, le frère du prince décédé, et le roi de Danemark. Le duc d’Oldenbourg était le candidat de la Russie ; il fut promptement écarté. Le prince d’Augustenbourg avait pour lui la mémoire d’un frère dont la Suède avait pleuré la mort. Le seul titre du roi Christian était d’être l’allié dévoué et le candidat supposé de la France. Dans des temps ordinaires, le jeune prince d’Augustenbourg, que la cour protégeait ouvertement, eût été préféré ; mais ce choix avait l’inconvénient de laisser la Suède plongée dans les embarras inextricables où elle se trouvait à la mort du dernier prince, et dont elle voulait tâcher de sortir à la faveur d’une nouvelle élection. Quant au roi Christian, les intérêts commerciaux du royaume, ses préjugés, ses souvenirs, tout repoussait sa candidature. Entre la Suède et le Danemark, il y avait trois siècles de rivalités et de haines.

Les intérêts présens de la Suède l’entraînaient vers un autre choix que celui de ces deux prétendans. Sa situation était véritablement hérissée de difficultés en quelque sorte inconciliables. Tous ses intérêts de commerce, de marine, de navigation, la jetaient en dehors du système continental ; mais se déclarer contre ce système, c’était s’attirer les vengeances de Napoléon. Déjà une première fois il l’avait livrée, dans sa colère, au bras de la Russie, qui l’avait dépouillée de la Finlande. Le mal qu’il lui avait fait une première fois, il pouvait l’aggraver encore en s’emparant de la Poméranie, et menacer jusqu’à son existence en la partageant entre la Russie et le Danemark. D’un autre côté, elle ne pouvait entrer dans les erremens du système français sans amener la ruine générale du commerce et mettre le pays tout entier en faillite, et sans se compromettre vis-à-vis de l’Angleterre. Ainsi, elle se trouvait placée entre deux abîmes, ne pouvant échapper à l’un sans tomber dans l’autre. Elle ne vit qu’un moyen de sortir d’une situation aussi violente : ce fut de chercher un prince royal dans la famille de l’empereur Napoléon ou dans les rangs de ses maréchaux. Mais, en prenant ce parti, elle ne prétendait nullement s’abandonner à la France ; elle voulait, au contraire, s’assurer un protecteur contre ses exigences, un médiateur dans ses démêlés avec elle, un chef habile et éclairé qui usât de son influence auprès de son ancien souverain pour désarmer ses rigueurs dans toutes les questions de commerce et de navigation. Elle voulait plus encore ; elle espérait qu’un prince français lui ferait restituer tôt ou tard la Finlande, et que la main qui avait eu le pouvoir de la lui faire perdre, aurait un jour celui de la lui rendre.

Le pays tout entier parut comprendre cette nécessité de se rattacher à la France. Roi, ministres, noblesse, commerçans, tous exprimèrent le vœu que l’empereur Napoléon daignât tourner ses regards vers la Suède, la diriger de ses lumières dans la crise présente, et désigner à ses suffrages le prince qu’elle devait élire. Mais l’empereur refusa d’accepter le rôle que lui offrait la Suède, résolu de n’exercer aucune influence même indirecte sur l’élection du prince royal. La délicatesse de ses relations avec la Russie lui commandait cette réserve extrême. Placer sur les degrés du trône de Suède un prince