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HISTOIRE POLITIQUE DES COURS DE L’EUROPE.

bouillet, la saisie et la vente de tous les bâtimens américains qui, à dater du 20 mai 1809, seraient entrés ou entreraient dans les ports de l’empire, de ses colonies ou des pays occupés par ses armées. Le caractère officiel et diplomatique de ce décret était d’être un acte de représailles de la France contre l’acte de non-intercourse qui avait été dirigé contre elle aussi bien que contre l’Angleterre. Mais la pensée réelle qui le dicta ne fut point une pensée de vengeance ni de guerre contre le gouvernement américain. Son but était, au contraire, d’arracher cette république à sa politique d’inertie et de faiblesse à l’égard de l’Angleterre, et de l’armer contre elle. Quant aux négocians américains en rébellion ouverte contre les lois de leur pays, c’était bien la guerre, et la guerre implacable que leur déclarait le décret de Rambouillet ; et c’était justice : il portait de plus au commerce anglais un coup d’une portée incalculable. Les évènemens ont prouvé que Napoléon avait frappé fort et juste, car c’est le décret de Rambouillet qui finit par mettre aux prises, en 1812, les États-Unis et l’Angleterre. Nous dirons plus tard les circonstances qui précédèrent ce grand évènement.

Tandis que Napoléon enlevait au commerce anglais la ressource du pavillon américain, il s’occupait de lui fermer toutes les issues par lesquelles il inondait le continent de ses produits.

Il s’adressa d’abord à la Hollande pour en obtenir le sacrifice absolu de ses relations commerciales avec l’Angleterre. Ce pays, à cause de ses innombrables affluens, de sa proximité des ports de la Grande-Bretagne, de l’étendue et de la nature de ses spéculations, était le point de l’Europe où la contrebande anglaise avait jeté les plus profondes racines. Comme c’est le commerce extérieur et maritime qui le fait vivre, le système continental, qui était l’interdiction de ce commerce, dut soulever contre lui tous les intérêts publics et privés. Si la Hollande avait eu la liberté de ses mouvemens, nul doute qu’elle ne se fût prononcée dès ce moment pour l’alliance anglaise. N’étant point en situation de s’arracher des bras de la France, elle feignit d’adopter officiellement son système, et de fait, elle l’éluda. Son histoire, depuis 1807 jusqu’en 1810, n’est qu’un perpétuel et opiniâtre effort de sa part pour s’affranchir de nos décrets. Ses ports ne cessèrent pas un seul jour d’être remplis de navires anglais et américains, et ses magasins, de denrées coloniales d’origine anglaise, que ses négocians se chargeaient d’expédier sur tous les marchés de l’Europe. Elle devint le principal entrepôt des produits de nos ennemis et son grand comptoir sur le continent. La France ne pouvait tolérer de semblables relations ; la Hollande était forcément un des satellites de sa puissance ; elle avait jusqu’alors partagé ses destinées maritimes et coloniales ; il fallait que cette communauté de fortune durât jusqu’au terme de la lutte. La force des choses l’exigeait ainsi. La France, jetée en dehors de toutes les voies régulières et pacifiques, était sous l’empire des nécessités les plus terribles et les plus violentes. Le système continental n’admettait pas d’exceptions, et en eût-il admis, la Hollande eût été le dernier pays dont il eût toléré la neutralité ; car pour elle, être neutre, c’était devenir, sous le point de vue