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DU RÉSEAU DES CHEMINS DE FER.

Il est présumable également qu’il y aurait lieu à ce qu’on se relâchât de la rigueur avec laquelle on exige que toute route royale et départementale, et même vicinale, ne soit traversée qu’au moyen d’un pont par-dessus ou par-dessous. Dans les environs de Paris et aux abords des grandes villes, cette précaution est indispensable. Au milieu des campagnes, ce serait fort souvent une sûreté tout-à-fait superflue que l’on donnerait au public, et une inutile dépense qu’on infligerait au Trésor ou aux compagnies. Avec un passage de niveau, une barrière et un gardien garantiraient amplement la sécurité publique dans un très grand nombre de cas.

Or, si à l’égard des pentes, des rayons de courbure et du doublement de la voie, et pour quelques autres faits moins essentiels, nous gardions le milieu entre les Anglais et les Américains, il est probable que la dépense de nos chemins de fer tiendrait le milieu entre celle des chemins de fer d’Angleterre et des railroads d’Amérique, et qu’elle serait d’environ 700,000 à 800,000 fr. au lieu de 1,500,000 fr. qu’ils devront absorber par lieue, si nous suivons la mode anglaise. En prenant pour base d’évaluation le chiffre de 800,000 fr., les mille vingt-quatre lieues du réseau général coûteraient 819,000,000 fr., c’est-à-dire 717,000,000 fr. de moins que si on les exécutait dans le système proposé par nos ingénieurs.

Même en supposant que l’on réduise la dépense des chemins de fer par l’adoption de règles autres que celles qui semblent aujourd’hui prévaloir, l’exécution du vaste réseau projeté pour la France exigerait beaucoup d’argent, et ce qui est plus fâcheux encore beaucoup de temps. Il y a urgence, cependant, à mettre le pays en possession de moyens de transport qui permettent aux classes bourgeoises de se déplacer suivant les principales directions, d’un bout à l’autre du territoire, avec une vitesse de plus de deux lieues à l’heure, et s’il se peut à moins de frais que quarante à soixante centimes par lieue. Telle est l’influence de la facilité des voyages sur le progrès de la richesse, et tel est le poids dont pèse aujourd’hui dans la balance politique la considération, toute matérielle pourtant, du bien-être, que ce n’est qu’au prix de pareils services que notre système politique méritera la qualification de gouvernement de bourgeoisie que beaucoup de ses amis lui donnent. À plus forte raison, ceux qui regardent la dynastie nouvelle comme destinée à améliorer le sort de toutes les classes sans exception, et qui pensent que l’épithète de populaire est la plus glorieuse que puisse ambitionner le trône de juillet, ceux-là désirent avec raison