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de la Rosa afflige lorsque, sortant des ruines de Grenade, il brille sur la scène publique. Lope de Véga avait tort d’écrire à sa fille, en lui dédiant sa comédie du Remède dans le Malheur : « Puissiez-vous être heureuse, quoique vous ne me sembliez pas née pour l’être, si vous héritez de ma destinée. » Il ne devait pas gémir « de la perte d’un temps précieux et de l’arrivée de la vieillesse. » La vieillesse est un mal inévitable ; mais le cœur noble et le talent consolateur sont moins bien dans le monde que dans la retraite, où l’on conserve l’honneur d’avoir une ame immortelle.

Lopez Bânos est nommé à la guerre, San Miguel aux affaires étrangères, Gasco à l’intérieur, Navarro à la justice. Le marquis de Las Amarillas, le marquis de Castellare, le comte de Casaserria, le général Longa, le brigadier Cisneros, furent exilés ; Castro-Torreno, le duc de Belgide, le duc de Montemar, grand majordome, renvoyés. Rentra dans le château une créature expiatoire, le général Palafox. San Martin, homme de cœur, et Morillo, guerrier illustre, se virent écartés. Morillo s’était pourtant déclaré pour le vainqueur avant le succès : affaibli par les emplois, les honneurs semblaient le vouloir destituer de la gloire.

On demandait des victimes, prenant soin de les cacher sous le nom des assassins de Landaburu. Goiffieux, particulièrement désigné, quitta Madrid. Bientôt arrêté, il pouvait se taire ou tromper : on lui demanda son nom ; il répondit : « Goiffieux, premier lieutenant dans la garde. » Il dédaigna de se sauver par un mensonge : il était Français.

Ellio fut juridiquement exécuté à Valence sur une place qu’il avait ornée d’arbres. Valence la belle est trompeuse : fille des Maures, elle a donné sa beauté à Venozza et à Lucrèce, ses intrigues et ses cruautés à Alexandre VI et à Borgia.

Dans la Navarre et dans la Catalogne, les royalistes triomphèrent ; un gouvernement politique s’établit sous le nom de Régence suprême de l’Espagne pendant la captivité du roi. Le marquis de Mataflorida, l’archevêque de Tarragone, le baron d’Eroles, composaient cette régence, installée le 14 septembre à la Seu ou cathédrale d’Urgel : les édifices mozarabiques prennent ce nom sur les montagnes de la Catalaunie.

Ferdinand fut solennellement inauguré à Urgel, comme Charles VII l’avait été au château d’Espally : aux créneaux de ce château la bannière, semée de fleurs de lys d’or, était déployée ; quelques paysans et un petit nombre de gentilshommes, vêtus de leur blason, procla-