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CONGRÈS DE VÉRONE.

le soleil éclairait également Dioclétien à Salonte, Charles IV à Compiègne.

L’Espagne déclara d’abord la guerre à la république, puis fit la paix à Bâle. Dès-lors Godoï entra dans les intérêts de la France, les Espagnols le détestèrent : ils s’attachèrent au prince des Asturies, qui ne valait pas mieux.

En 1807, nous nous promenions au bord du Tage, dans les jardins d’Aranjuez ; Ferdinand parut à cheval, accompagné de don Carlos. Il ne se doutait guère que ce pèlerin de Terre-Sainte, qui le regardait passer, contribuerait un jour à lui rendre la couronne.

Bonaparte, après des succès au nord, se tourna vers le midi pour envahir le Portugal, que protégeait l’Angleterre, il s’entendit avec Godoï. Un traité signé à Fontainebleau, le 29 octobre 1806, régla la marche des troupes françaises à travers l’Espagne ; ce traité déclara la déchéance de la maison de Bragance, jeta une partie de la Lusitanie septentrionale au roi d’Étrurie, une autre partie à Charles IV, et le royaume des Algarves à Godoï. Junot entra en Portugal le 19 novembre 1807 ; la famille de Bragance s’embarqua le 27 ; l’aigle de Napoléon cria au bord des flots, du haut de ces tours qui virent couronner le cadavre d’Inès, appareiller la flotte de Gama, et qui entendirent la voix de Camoëns :

« Ia no largo Oceano navegavam. »

L’occupation du Portugal masquait l’invasion de l’Espagne. Dès le 24 décembre de la même année, le second corps de l’armée française entra dans Irun. La haine publique s’accrut contre le prince de la Paix ; on voulait placer le prince des Asturies sur le trône de son père. Le prince, arrêté, fit de lâches aveux. Murat, général en chef, s’avança vers Madrid.

La population de Madrid se soulève en criant : « Vive le prince des Asturies ! meure Godoï ! » Charles IV abdique ; le prince de la Paix est pris ; Ferdinand VII, le nouveau roi, le sauve. Napoléon feignit d’être indigné de la violence exercée envers le vieux roi et finit par offrir sa médiation entre le père et le fils. Charles fut appelé à Bayonne et Godoï sortit d’Espagne sous la protection de Murat. Ferdinand à son tour vint à la réunion, malgré sa défiance et l’opposition de son peuple.

Cette scène de l’Italie du moyen-âge semblait inspirée par Machiavel ; rare génie qui, comme tous les hommes élevés d’esprit et bas de cœur, disait de grandes choses et en faisait de petites.