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ORIGINES DU THÉÂTRE.

phallophores en ce qu’ils portaient un masque représentant, pour l’ordinaire, un homme aviné[1]. Leurs manches, de couleur violette, couvraient presque leurs mains ; leur tête était ceinte d’une couronne ; ils étaient vêtus d’une tunique bigarrée, moitié blanche ; de plus, ils s’enveloppaient d’une longue tarentine qui leur descendait sur les talons. Comme le phallophore, l’ithyphalle jouait dans les grands théâtres, mais seulement sur l’orchestre. Il entrait par la grande porte, s’avançait en silence jusqu’au milieu de l’orchestre, puis il se retournait vers la scène et disait : « Rangez-vous, faites place au dieu, car le dieu se tient droit, et entend passer et repasser par le milieu[2]. »

Athénée, qui nous a conservé ces détails, nous apprend que les pièces jouées par cette classe de mimes s’appelaient, comme eux, ithyphalles. Les magodes, ainsi que leur nom l’indique, étaient des comédiens d’origine persique et qui différaient peu des lysiodes. Ces mimes prenaient les sujets de leurs pièces dans les comédies, et les représentaient ensuite à leur manière et avec un appareil qui leur était particulier. Ils faisaient grand usage du merveilleux et de la magie, c’est-à-dire, probablement, de tours d’adresse[3]. L’acteur magode se faisait accompagner de tambours et de cymbales. Son chant était efféminé, et il ne gardait aucun respect pour la décence. Il jouait souvent sous des habits de femme ; mais ses personnages favoris étaient ceux d’entremetteur, de croupier, d’ivrogne ; il faisait aussi fréquemment le rôle d’un libertin en partie de débauche avec sa maîtresse.

PARODISTES.

Il faut ranger encore dans la classe des mimes les auteurs et les acteurs de parodies. Il y eut, en Grèce, des parodistes de toutes sortes. Aristoxène nous apprend qu’Eudicus se rendit célèbre par son adresse à contrefaire les lutteurs et les pugiles. Straton de Tarente parodiait les poètes dithyrambiques et Œnonas les citharèdes. « C’est lui, dit le même écrivain, qui a représenté Polyphème gazouillant d’une voix sifflante, et Ulysse, après son naufrage, parlant le jargon de Soles[4]. » On appelait plus particulièrement logomimes ceux qui parodiaient les mauvaises prononciations. Hégémon de Thase éleva le premier la parodie sur la scène et en fit une sorte de comédie. Aussi mérita-t-il d’être déclaré par Aristote l’inventeur de ce genre. Hégémon florissait à l’époque de la guerre du Péloponèse. Souvent il donnait à Athènes des représentations sur le théâtre de Bacchus. Il était en train de divertir la foule par le prodigieux talent qu’il avait de tout contrefaire, quand on annonça au théâtre les revers éprouvés en Sicile, et personne ne quitta la place. Athénée donne le nom de comédies aux parodies de cet

  1. Suid., voc. φαλλόφοροι.
  2. Athen., lib. xiv, pag. 622, B, C.
  3. Sophocle et plusieurs autres écrivains emploient le mot μάγος dans le sens de prestigiateur, comme l’expliquent Suidas, voc. μάγος et le scholiaste ad Œdip. Tyr., v. 387.
  4. Athen., lib. i, pag. 19 et 20. — C’est, comme on sait, du mauvais langage parlé dans cette ville qu’est venu le mot solécisme.