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ORIGINES DU THÉÂTRE.

FÊTES COMMÉMORATIVES. — OSCOPHORIES. — BOUPHONIES.

Outre ces fêtes qui retraçaient les actions et les bienfaits des dieux, il y eut dans toutes les villes de la Grèce un très grand nombre de solennités destinées à perpétuer le souvenir des faits purement humains. Je citerai, entre autres, deux fêtes célébrées à Athènes, dont l’une rappelait un évènement héroïque, et l’autre une aventure presque plaisante. Ce sont les Oscophories et les Bouphonies.

Les Oscophories, espèce de fête des rameaux, ou de Dendrophories, comme disaient les Grecs, furent instituées pour conserver la mémoire du départ de Thésée pour la Crète et de son heureux retour. Cette cérémonie était un véritable drame. On sait que Thésée, au lieu de conduire au Minotaure sept jeunes garçons et sept jeunes filles, avait caché parmi ces dernières deux jeunes hommes aux traits délicats, capables de lui prêter secours dans sa périlleuse entreprise. C’est en mémoire de ce déguisement que deux éphèbes, habillés en femme, conduisaient le chœur des Oscophores, jeunes gens qui portaient des ceps de vigne chargés de fruits, et se rendaient du temple de Bacchus au temple de Minerve-Scirade, près du port de Phalère où Thésée avait abordé. Cette théorie était composée de jeunes garçons choisis parmi les premières familles de chaque tribu, et qui tous devaient avoir leurs père et mère vivans. « On associait encore à cette fête, dit Démon l’historien[1], des femmes qu’on appelait Deipnophores, celles qui apportent le repas. Ces femmes représentaient les mères des jeunes victimes que le sort avait désignées pour aller périr en Crète. Elles imitaient la sollicitude des véritables mères qui avaient apporté à leurs enfans toutes sortes de provisions pour la traversée ; elles débitaient aussi certaines fables, à l’exemple de ces mères qui avaient fait divers contes à leurs enfans pour les consoler et leur donner courage. »

Les Bouphonies étaient une fête déjà ancienne du temps d’Aristophane et destinée à rappeler un fait grave, mais accompagnée de circonstances assez divertissantes. Une ancienne loi de la Grèce, dont Élien nous a conservé le texte, défendait de sacrifier les bœufs, compagnons des travaux de l’homme. Cependant il advint qu’un jour, aux fêtes diipoliennes, un de ces animaux mangea le gâteau préparé pour Jupiter. Le prêtre irrité saisit une hache et l’immola ; mais, effrayé de l’action qu’il avait commise, il jeta la hache et prit la fuite. L’instrument de mort fut seul cité devant le Prytanée et condamné. On institua une fête annuelle en mémoire de ce singulier jugement[2]. On plaçait un gâteau sur une table d’airain près de l’acropole ; on conduisait des bœufs vers cet endroit, et celui qui mangeait le gâteau était immolé. Cependant toutes les personnes qui étaient supposées avoir eu part au meurtre étaient accusées l’une après l’autre. Je lis dans Porphyre tous les

  1. Plutarch. Thes. cap. XXII, XXIII.
  2. Pausan., Attic., cap. XXIV, § 4, et cap. XXVIII, § 11. — Ælian., Var. Hist., lib. viii, cap. III.