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ORIGINES DU THÉÂTRE.

troduisit dans le sanctuaire ; l’abstinence fut presque ouvertement violée ; à Thèbes en Béotie, les désordres furent tels, qu’une loi de Diagondas supprima le culte secret[1]. Alors les plus grands hommes, Socrate, Agésilas, Épaminondas, dédaignaient le titre d’initiés ; alors Alcibiade poussait l’irrévérence jusqu’à parodier les rites secrets à l’issue d’un festin[2]  ; alors Aristophane et Diogène se moquaient impunément de la mystagogie. C’est que, de la hauteur où s’était placée l’institution des mystères, pendant la belle époque sacerdotale, elle était tombée au point de n’être plus qu’une école de philosophie et un spectacle ; et encore n’était-elle ni la première des écoles de philosophie, ni le premier des spectacles.

II.
Drame populaire.

Il ne peut nous rester aucun doute sur l’existence du drame hiératique en Grèce, c’est-à-dire sur l’existence de cérémonies commémoratives et dramatiques, pratiquées par le sacerdoce. Il nous faut chercher, à présent, si nous pouvons constater l’existence du drame populaire dans la même contrée.

FÊTES DANS LESQUELLES LE PEUPLE INTERVENAIT COMME ACTEUR.

Les nations helléniques ont pris plus tôt, et conservé plus long-temps qu’aucune autre, l’habitude de se mêler activement aux jeux qui ne procurent à tant d’autres peuples que des jouissances inertes et passives. Cette propension à partager constamment les travaux du culte avec ses prêtres, et les fatigues, ou, si l’on veut, les plaisirs scéniques avec ses acteurs, est un des caractères et une des gloires du peuple grec. Les quatre grands jeux, les jeux olympiques, néméens, isthmiques et pythiens, ont présenté fort tard, et quelques-uns jusqu’au ive siècle de notre ère, le spectacle admirable de citoyens pleins d’émulation, venant déployer à l’envi leur adresse, leur force, leur génie, leurs richesses, leur beauté, aux regards approbateurs de leurs concitoyens et de leurs rivaux. Ces quatre grands jeux étaient les plus anciennes conquêtes, faites par le génie populaire sur le domaine hiératique. Dans ces fêtes, consacrées chacune à une divinité, le sacerdoce fut réduit au simple rôle d’assistant. On voyait à Olympie, près d’un autel de marbre, une femme, la seule qui fût admise dans ces solennités, la prêtresse de Cérès Chamyne, assise pendant la durée des jeux[3], comme nous avons vu le prêtre de Bacchus assis au premier rang du théâtre d’Athènes.

Outre ces quatre grands jeux, chaque république, chaque ville avait des

  1. Cicer., De legib., lib. ii, 15.
  2. Plutarch., Alcib., cap. XXII. — Lysias, Contr. Andoc. de impiet.Maxim. Tyr., Dissert. XXXIX, § 4. –
  3. Pausan., Et. II, cap. XXI.