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voulons étudier le développement du génie dramatique sous toutes ses faces, il nous importe d’examiner, autant que les obscurités du sujet le permettent, ce qui se passait dans les cérémonies mystiques ; c’est là que nous devons trouver, s’il existe, le drame hiératique païen.

MYSTÈRES DE SAMOTHRACE.

La plus ancienne mention des mystères est celle des Cabires, dans l’île de Samothrace. Cependant, comme on ne trouve dans Homère aucune trace d’idées mystiques, il faut bien, malgré la mention des Marbres[1], ne placer leur institution qu’après les temps homériques. Hérodote parle comme il suit des mystères de Samothrace :

« Ce n’est pas des Égyptiens que les Hellènes ont reçu l’usage des représentations ithyphalliques de Mercure. Les Athéniens l’ont pris, les premiers, des Pélasges ; le reste de la Grèce a suivi leur exemple. Les Pélasges demeuraient, en effet, dans le même canton que les Athéniens, qui, dès ce temps-là, étaient comptés au nombre des Hellènes ; et c’est pour cela que les Pélasges commencèrent alors à être réputés Hellènes eux-mêmes. Quiconque est initié aux mystères des Cabires que célèbrent les Samothraces comprend ce que je dis ; car ces Pélasges qui vinrent demeurer avec les Athéniens habitaient auparavant la Samothrace, et c’est d’eux que les peuples de cette île ont pris leurs mystères. Les Athéniens sont donc les premiers d’entre les Hellènes qui aient appris des Pélasges à faire des statues ithyphalliques de Mercure. On donne de ce fait une raison sacrée, qu’on trouve expliquée dans les mystères de Samothrace[2]. »

Il résulte de ce passage que les mystères des Cabires se proposaient, entre autres choses, la conservation et transmission de certains types sacrés, tels que celui des Hermès ithyphalliques, et qu’une partie de ces mystères offrait une peinture de la vie sauvage des premiers Grecs. Peut-être, dit M. de Sainte-Croix, conservait-on dans le temple de Samothrace les traditions concernant les Pélasges, comme dans celui de Dodone on gardait celles qui intéressaient les Hellènes[3].

Un autre objet des mystères de Samothrace, était, selon le même auteur, la mort cabirique, célébrée par les pleurs et les gémissemens des initiés[4]. Cette mort ne pouvait être que celle du plus jeune des Cabires, Cadmille, massacré et horriblement mutilé par ses frères. Les Anectotelestes, ou hiérophantes de Samothrace, et ceux de Lemnos, exécutaient cette sorte de tragédie sacrée pendant la nuit, dans les bois ou au fond d’un antre[5].

MYSTÈRES PHRYGIENS.

Dans les plus anciens mystères de Phrygie, institués par les Corybantes, fils

  1. Marm. Oxon., epoch. xv et xvi.
  2. Herodot., lib. ii, cap. li.
  3. M. de Sainte-Croix. Recherches sur les mystères, tom. i, pag. 55.
  4. Cicer., De natur. deor., lib. ? cap. xliii.
  5. Gutberleth., De myst. deor. Cabir., cap. ii.