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LA DERNIÈRE ALDINI.

Alezia devenait embarrassante par sa véhémence. Elle me trouvait froid, contraint ; elle prétendait que mon regard manquait de joie, c’est-à-dire de franchise. Elle s’alarmait de mes dispositions, elle s’indignait de mon peu de courage. Elle avait la fièvre, elle était belle comme la sibylle du Dominiquin. J’étais fort malheureux en cet instant, car mon amour se réveillait, et je sentais tout le prix du sacrifice qu’il fallait faire.

Une voiture entra dans le jardin et nous ne l’entendîmes pas, tant l’entretien était animé. Tout à coup la porte s’ouvrit, et la princesse Grimani parut.

Alezia poussa un cri perçant et s’élança dans les bras de sa mère qui la tint long-temps embrassée sans dire une seule parole, puis elle tomba suffoquée sur une chaise ; sa fille et Lila, à ses pieds, la couvraient de caresses. Je ne sais ce que lui dit Nasi, je ne sais ce qu’elle lui répondit en lui serrant les mains. J’étais cloué à ma place ; je revoyais Bianca après dix ans d’absence. Combien elle était changée ! mais qu’elle me paraissait touchante, malgré la perte de sa beauté première ! que ses grands yeux bleus, enfoncés dans leurs orbites creusés par les larmes, me parurent plus tendres encore et plus doux que je ne me les rappelais ! combien sa pâleur m’émut, et comme sa taille, amincie et un peu brisée, me parut mieux convenir à cette ame aimante et fatiguée ! Elle ne me reconnaissait pas, et lorsque Nasi me nomma, elle parut surprise, car ce nom de Lélio ne lui apprenait rien. Enfin je me décidai à lui parler ; mais à peine eut-elle entendu le premier mot, que, me reconnaissant au son de ma voix, elle se leva et me tendit les bras en s’écriant : — Ô mon cher Nello !

— Nello ! s’écria Alezia en se relevant avec précipitation ; Nello le gondolier ? — Ne le savais-tu pas, lui dit sa mère, et ne le reconnais-tu qu’en en cet instant ! — Ah ! je comprends, dit Alezia d’une voix étouffée, je comprends pourquoi il ne peut pas m’aimer ! — Et elle tomba évanouie de toute sa hauteur sur le parquet.

Je passai le reste du jour dans le salon avec Nasi et Checca. Alezia était au lit, en proie à des attaques de nerfs et à un violent délire. Sa mère était enfermée seule avec elle. Nous soupâmes fort tristement tous les trois. Enfin, vers dix heures, Bianca vint nous dire que sa fille était calmée, et que bientôt elle reviendrait causer avec moi. Vers minuit elle revint, et nous passâmes deux heures ensemble, tandis que Nasi et Checchina étaient allés tenir compagnie à Alezia, qui se trouvait beaucoup mieux et avait demandé à les voir. Bianca fut bonne comme un ange avec moi. En toute autre circonstance peut-être,