Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 13.djvu/561

Cette page a été validée par deux contributeurs.
557
EXPÉDITION DE CONSTANTINE.

lonté, que celles des soldats du 47e : ici pas un coup de feu ne partit de nos rangs, pas un homme ne remua ; chacun resta immobile à son poste, attentif au signal des officiers, serrant son fusil contre soi, et tout prêt à s’élancer. Les Arabes, plus effrayés de ce repos et de ce silence qu’ils ne l’eussent été du bruit et de la confusion, et, sous ce calme, sentant la pointe de la baïonnette, se retirèrent, et bientôt ils disparurent dans les enfoncemens du terrain et dans l’obscurité. Au jour, les travaux de la place d’armes étaient presque terminés ; mais ceux de la batterie de brèche en arrière n’étaient pas complets, quoique trois pièces de 24 et une pièce de 16 se trouvassent, avant six heures du matin, rendues derrière le parapet. Il manquait encore à l’armement de la batterie deux obusiers, qui ne purent être amenés qu’en plein jour ; opération délicate et périlleuse, conduite sous le feu de l’ennemi avec le même calme et le même soin de détails que s’il n’y eût eu aucun autre sujet de préoccupation que les difficultés de la route et de la manœuvre.

Vers neuf heures du matin, la batterie de brèche ouvrit son feu, ainsi que celle d’obusiers, située au-dessus ; mais celle de mortiers, établie sur une hauteur en arrière, ne put commencer à agir que vers deux ou trois heures de l’après-midi. Les coups, d’abord, furent dirigés sur les embrasures et contre les pièces qui tenaient encore tête à l’orage ; car, jusque-là, le centre de nos moyens de destruction ayant été sur le Mansoura, le front d’attaque n’avait été pris que d’enfilade, en sorte qu’une partie des défenses de la place avaient peu souffert, soit parce qu’elles étaient garanties, à gauche, par des massifs de maçonnerie, soit parce que, enchâssées dans des embrasures casematées, ou posées sur des portions fuyantes et retirées des remparts, elles ne pouvaient être avantageusement attaquées que de face. En deux ou trois heures, le couronnement des murailles, de part et d’autre de l’espace marqué pour la brèche, fut détruit ou mis hors d’état de protéger efficacement les pièces. Vers midi, on commença à battre en brèche. Les projectiles rencontrèrent un mur construit en grands et durs matériaux, et doublé d’anciennes maçonneries qui lui prêtaient leur profondeur et leur force de résistance. La pierre se broyait sous le boulet, qui s’y logeait ou y laissait seulement son empreinte ; mais elle n’éclatait pas, ne réagissait pas sur les parties environnantes, et ne dérangeait nullement l’économie de l’ensemble : à chaque coup la contexture de la construction se trouait, mais ne se déchirait pas. On reconnut que la muraille était de la nature la plus rebelle aux efforts de l’artillerie, et l’on dut s’applaudir de s’être donné le moyen d’augmenter l’intensité de l’action en se ménageant une nouvelle batterie plus rapprochée du but. Cependant vers le soir la brèche était dessinée nettement, et largement préparée ; le pan de mur voué à la destruction était percé comme un crible ; les pierres, toutes séparées, n’ayant plus d’appuis que par les angles, ou ne tenant que par adhérence au massif postérieur, n’attendaient plus que quelques secousses pour rouler successivement jusqu’à terre.

La nouvelle batterie n’avait pas encore commencé son feu, lorsque trois ou quatre cents indigènes sortirent de la ville par le pont et vinrent s’embus-