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qu’elle dût l’étonner, lui a toujours laissé l’alternative, ou d’exécuter ses promesses, ou de renoncer à la dignité qui ne lui avait été conférée qu’à cette condition ; et M. de Droste de Vischering a constamment repoussé l’une et l’autre proposition. La seconde alternative était cependant, comme le fait remarquer avec raison le cabinet prussien, strictement conforme aux lois ordinaires de l’honneur.

Aujourd’hui, la question est transportée à Rome. La cour papale demande d’abord, à ce qu’il paraît, la réparation des violences faites à l’archevêque de Cologne ; le cabinet de Berlin, au contraire, prétend d’abord obtenir du saint-siége qu’il fixe le sens du bref pontifical et de l’instruction du cardinal Albani aux quatre évêques des provinces rhénanes, relativement aux mariages mixtes ; car il sera justifié, par cela seul, que la cour de Rome aura reconnu pour valable l’interprétation que leur avaient jusqu’à présent donnée dans la pratique, et le prédécesseur de M. de Droste, et les autres évêques des provinces rhénanes. Au reste, la question théologique et la question d’intérêt temporel sont également graves dans cette affaire : il s’agit de conserver ou de détruire la paix religieuse d’une partie considérable de la monarchie prussienne, et, quoiqu’on ne puisse blâmer le souverain pontife de vouloir stipuler quelques réparations en faveur d’un prélat d’ailleurs très vénérable, il est à croire que la cour de Rome n’en viendra point à une rupture sérieuse avec un gouvernement dont elle n’a jamais eu à se plaindre, et qui est fermement résolu à défendre ses droits. Une députation de la noblesse de Westphalie, qui s’était rendue à Berlin pour y faire entendre des représentations sur l’enlèvement de l’archevêque, a été fort mal reçue, et quelque agitation s’est manifestée d’abord dans les principales villes des provinces rhénanes ; mais on a fort exagéré ce mouvement d’opinion.


— L’engagement pris par la direction du Théâtre-Français de faire jouer annuellement, sur la scène de l’Odéon, douze pièces nouvelles, dont deux au moins en cinq actes, a reçu enfin un commencement d’exécution. Le Camp des Croisés, tragédie en cinq actes et en vers de M. Adolphe Dumas, vient de subir, assez malheureusement, il est vrai, cette première épreuve. Cette composition bizarre, sans consistance, échappant par cela même à tous les procédés analytiques, rend aujourd’hui notre tâche de rapporteur fort difficile. Il ne serait pas impossible que le poète mystique de la Cité des hommes considérât son dernier ouvrage comme la traduction scénique, comme le symbole vivant de quelque théorie sociale et palingénésique. Néanmoins l’intention de la pièce est si peu marquée, qu’il est impossible de faire porter la discussion sur les doctrines de l’auteur. On ne peut pas non plus prendre au sérieux les promesses du titre, et accepter la composition de M. Dumas pour un drame historique. S’il avait eu pour but d’animer la chronique, et de faire revivre sur la scène les représentans des grands intérêts qui ont mis aux prises l’Orient et l’Occident, il n’eût pas consacré aux alternatives d’une rivalité d’amour entre deux personnages d’invention, l’étendue de quatre actes au moins sur cinq : il eût fait quelques efforts pour enchaîner dans sa trame scénique les figures que l’histoire et la poésie ont éclairées d’une si vive