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DE LA CHEVALERIE.

les Nibelungen, cette époque est aussi celle qu’Attila désigne aux guerriers bourguignons, pour venir le trouver ; et là, Attila ne parle point de la Pentecôte, mais seulement du solstice d’été (sonne-vende). Aux deux solstices se rattachaient, dans le Nord, des solennités païennes que des fêtes chrétiennes ont remplacées. Le solstice d’hiver était, chez les Scandinaves, le moment de réjouissances bruyantes et bizarres, dont il est resté quelques traces dans les usages actuels du Danemark. C’est ce qu’on appelle iul, de l’ancien nom païen. L’iul se confond aujourd’hui avec le jour de Noël, comme la Pentecôte avait hérité, au moyen-âge, des fêtes du solstice d’été.

Les vœux chevaleresques, dont j’ai cité un exemple assez remarquable, étaient un usage entièrement germanique, et lié à la mythologie scandinave. On voit dans l’Edda un vœu fait non pas sur un héron, mais sur un sanglier ; ce sanglier est une victime immolée à Bragi, dieu d’éloquence ; le héros Helgi promet sur le sanglier, comme les chevaliers sur le héron, d’accomplir une aventure. Évidemment, ce vœu consacré par la religion scandinave est le type primordial des vœux chevaleresques.

Enfin, ce qui dans la chevalerie est incontestablement germanique, c’est l’institution elle-même, c’est le fait de l’investiture des armes, par laquelle celui qui a ceint l’épée entre dans une certaine classe, prend place parmi l’élite des guerriers. Ceci eut lieu de tout temps chez les Germains ; Tacite nous montre le jeune homme recevant solennellement le bouclier et la framée : Scuto framæâque juvenem ornant. Ici, ce sont les parens qui, au nom de la patrie, de la communauté, lui confèrent les armes ; puis on voit cette coutume se perpétuer de siècle en siècle, et aboutir à l’investiture chevaleresque. Paul Warnfried parle d’un roi lombard qui ne voulut pas permettre que son fils s’assît à sa table avant qu’il eût reçu les armes de la main d’un roi étranger. On donnait à cette cérémonie la forme d’adoption ; ainsi Théodoric adopta le roi des Hérules par la lance, le bouclier et le cheval ; c’est de là qu’est venu le vieux mot français adouber chevalier (adoptare). En ceignant l’épée, le guerrier prenait rang parmi les classes sociales qui comptaient dans l’état. Ceindre l’épée était devenu, sous la seconde race, le signe de la capacité politique ; les princes même tenaient à honneur d’accomplir cette formalité, d’être enrôlés dans la classe vaillante ; Charlemagne ceignit l’épée à son fils Louis-le-Débonnaire, et celui-ci à son fils Charles-le-Chauve. Cette collation des armes est le principe de l’ordination chevaleresque, et