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DE LA CHEVALERIE.

de protéger les veuves, les orphelins, les femmes mariées et non mariées, et les voyageurs. Vous voyez le christianisme introduire dans les mœurs guerrières de l’âge féodal la chevalerie par la charité. Il faut donc considérer le christianisme comme la condition essentielle, comme l’ame même de la chevalerie. Maintenant, parcourons rapidement les autres élémens qui ont pu entrer dans sa composition.

Après le christianisme, c’est, selon moi, le germanisme qui occupe la place la plus considérable dans la constitution de la chevalerie. Après les sentimens chrétiens, ce sont les sentimens et les mœurs germaniques qui en sont l’ame et la vie ; c’est ce respect, cette adoration des femmes, mille fois citée, et qui fut une préparation lointaine à la chevalerie ; c’est le sentiment du point d’honneur, de l’honneur individuel, sentiment énergique chez les peuples germains, sentiment qui faisait dire, même à leurs ennemis : Opprobrium non damnum barbarus horrens ; le barbare craint la honte plus que tous les maux.

La loyauté, la foi à la parole jurée est une vertu chevaleresque par excellence ; c’est encore un apanage des nations germaniques. Certains auteurs allemands ont prétendu que leurs ancêtres étaient des modèles constans de loyauté, et cette exagération patriotique a excité de justes réclamations et de justes attaques. Cependant on ne peut nier qu’il n’y ait chez les nations germaniques un fonds de loyauté, de fidélité à la parole donnée et reçue ; la foi germanique n’est pas un mot vide de sens, et bien qu’on la voie disparaître chez les barbares, par suite de cette désorganisation morale qui suit la conquête et qui est produite par elle, on ne peut refuser cette qualité à la race teutonique. Si on remarque chez tous les peuples qui lui appartiennent, un même caractère, il faut bien que ce caractère soit inhérent à cette race ; or, celui-ci se montre partout où il y a des populations d’origine germanique, depuis l’Islande et la Norwège, jusqu’à l’Alsace. Je le retrouve même dans Tacite ; Tacite nous apprend que les Germains, qui poussaient à l’excès la fureur du jeu, jusqu’à jouer leur propre liberté, observaient avec une bonne foi rigoureuse les conventions qu’ils avaient faites. « Celui qui perd, dit-il, se laisse attacher et enchaîner, bien que plus fort et plus jeune, opiniâtreté qu’ils nomment foi et loyauté. » C’est un grand respect pour l’engagement pris, pour la parole donnée. Nous sommes au berceau de la race, et déjà nous rencontrons cette qualité essentiellement chevaleresque et profondément germanique.

L’usage des tournois forme un trait dominant des mœurs chevale-