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DE LA CHEVALERIE.

chevaleresque a été personnifiée d’une manière très gaie, et sous une forme que personne n’a oubliée, dans l’incendie de la bibliothèque de don Quichotte, accomplie par un curé.

Dans tout ceci, je n’ai examiné que les rapports extérieurs, pour ainsi dire, de la chevalerie, avec le côté extérieur aussi de la religion, avec l’église ; c’est l’église et la chevalerie que nous avons vues, tantôt aux prises, tantôt conciliées par des arrangemens plus ou moins heureux. Je n’ai pas parlé du christianisme en tant que principe intérieur de la chevalerie, ame de la vie chevaleresque ; c’est un autre point de vue, ce sont d’autres considérations auxquelles j’arrive. Car il s’agit maintenant, en distinguant les diverses sources de la chevalerie, et si j’osais dire ainsi, les divers ingrédiens qui sont entrés dans sa composition, il s’agit de déterminer ce qui appartient au christianisme, ce qui appartient aux mœurs germaniques, ce que peuvent réclamer les influences de la civilisation romaine, en partie conservée dans le midi de la France, et enfin la part qu’on doit faire à l’action des Arabes sur la chevalerie de l’Occident.

vii.
DES INFLUENCES QUI ONT PRÉSIDÉ À LA FORMATION DE LA CHEVALERIE.

Il semble que notre tâche soit finie ; cependant nous avons encore quelque chose à faire pour connaître à fond la chevalerie : nous avons à rechercher comment elle a été, pour ainsi dire, construite. Après avoir étudié les propriétés visibles d’un corps, on cherche quelle combinaison a pu le produire ; après avoir fait la statistique d’un pays, on remonte aux origines du peuple qui l’habite.

La chevalerie complète, telle qu’elle s’est produite en Europe au moyen-âge, ne pouvait exister sans le christianisme. Nous avons bien trouvé la chevalerie quelquefois en opposition, quelquefois même jusqu’à un certain point en guerre avec l’église ; cependant, malgré ces luttes accidentelles, le principe de la chevalerie comme celui de l’église était le christianisme. Le conflit de ces deux puissances était la querelle de deux sœurs, car toutes deux avaient la même mère. Les sentimens que nous avons reconnus être la base de la chevalerie ne pouvaient atteindre toute leur portée que par le christianisme. En effet nous avons vu dans d’autres temps la générosité, le dévouement à la faiblesse, produire des effets analogues à ceux qui se montrent